dimanche 29 juin 2008

La traque serait calme




à
Adrian Gomez, torero



je tournais ça dans ma tête
quand j'ai vu le soleil
affleurer derrière les feuilles de l'érable
des images cousues
par l'aiguille des tragédies.

je ne voulais plus les voir
ces corps qui roulaient dans l'air
qui commencent à retomber
alors qu'on voudrait les suspendre
dans le linge figé du cosmos

on pourrait
alors
avoir
le temps et l'espace
de venir prendre
doucement
entre nos deux paumes
leurs tempes angoissées
et poser leurs corps
désarticulés
sur la silice

sans à coups.

le soleil a surgi.

les corps chutent
comme à chaque fois
que ce rêve me traque


ils retombent sur la nuque
de la réalité
sauvage de cette fête


la nuque d'adrian
est la réalité

la nuque de christian
sauvage

et celle de julio
de cette fête

brisée.

je tournais ça dans ma tête
comme un tambour belliqueux
dans une enceinte de béton
avec des milliers de bouches
appelant à briser
la nuque
de quiconque s'appliquerait
à voler le feu de la victoire.


j'éloignais mon regard de l'érable.

j'aurais juste voulu
partager
un repas sous son ombre
avec rafael
que le soleil nous prenne
juste
avec nos sourires

je m'allongeais
dans cette envie

je me susurrais

rafael est à madrid

avec emilio

il sait qu'on pense à lui
la tête dans le trèfle mouillé.

et puis tout ira bien.

en fermant les yeux
j'ai vu l'érable
sortir du soleil.

j'ai su que cette nuit
la traque serait calme.

vendredi 27 juin 2008

Un pincho qui se mange froid


un guiño.

un clin d'oeil.

c'est souvent féroce et drôle.

comme cette brève de comptoir entendu au zinc du rade "lettres, politique et duende" dont je vous ai déjà parlé.


savourez :


"7 à 1 dans les dents en deux matchs. On a vengé Andreu Nin."


chapeau.


et puis ?


rien. j'orgie le football.
son spectacle me laisse indifférent.
son monde m'est révulsif.
d'où la férocité du clin d'oeil.


et pour aller à la moelle de tout cela
il faut lire "los toros como anti españa" sur Sol y moscas.


on y parle de Rafael Sanchez Ferlosio.
le ciego travaille à un pincho à son nom. bientôt.
promis.


surtout si on se venge de Guernika demain soir.









mardi 24 juin 2008

Les mains du poète



Simplement
pour toi Jacques

in memoriam.


Les mots d'un autre
car les miens sont encore trop serrés
pour ne pas se laisser
enrouler
dans la houle
qui va du coeur
à la gorge.

Et puis j'aimerais parler de toi par morceaux.
morceaux d'une entité qui commenceraient par ce que ton corps de peintre avait de plus précieux : les mains.
Car chaque fois que je lis ce poème, je pense aux tiennes.


Les mains du poète

Les mains disent ce qu'elles occultent.
Car elles emmagasinent vie, chaleur, l'éclat intact
d'une autre peau qui s'enflamma en secret,
qui céda avec tendresse ses prodiges
avant d'être mémoire, soubresaut.

Les mains disent ce qu'elles occultent.
Elles dessinent une lumière et son envers
qu'est l'ombre sonore ou le silence.
Silence, mis non oubli.
Oublier est inertie, laisser le fleuve s'écouler.
Le poète creuse la mer de sa voix profonde.
Voyez ses mains qui escriment
l'épée de la lumière :
elles empoignent un son.


Jose Gutierrez ( La armadura de sal )


illustration : dessin original de Jacques Bacarisse / Parentis 2001 / collection particulière

lundi 23 juin 2008

En bras de chemise


Ce matin ,tôt, je corrige quelques scories de la veille. Je furète.
Et les yeux encore pleins de nuit, je tombe sur la mort d' Albert Cossery, dimanche , dans son lit de l'hôtel de la rue de seine à Paris. La mort, un dimanche, pour un type endimanché même les jours de semaine. La mort, dans ce sommeil dont sa littérature a presque failli ne jamais se réveiller si elle n'avait été secouée par Joëlle Losfeld (Je ne la connais pas, mais mille grâces lui soient rendues). La mort,d'un picaro qui se sentait prince par le simple fait de pouvoir fourrer ses mains dans les poches, de porter son front sous la brise du vent des promenades où il croisait les iris des filles. Il a donné son veston d'alpaga à la faucheuse pour aller siroter en bras de chemise avec Camus. Cossery est mort. Ou plutôt,il a enfin tombé la veste.
Et Golo qui doit avoir le coeur qui pince...

A lire :

http://www.liberation.fr/culture/334013.FR.php

Sacred machine





"Tout a commencé dans le petit port d'Algeciras. Là-bas, comme dans toutes les autres villes espagnoles, il y a une arène.
J'ignore ce que vous pensez des corridas, mais en Espagne, un dimanche, c'est un tantinet difficile d'y échapper (...)
Soldadito était dans l'arène. A l'époque il était plus jeune et plus audacieux qu'aujourd'hui, mais je n'ai jamais été de ses admirateurs...trop de ballet et pas assez de tauromachie à mon goût.
Mais n'entrons pas dans ces considérations : je pourrais parler corridas toute la nuit, or je vous ai promis une histoire d'aventure en mer...eh bien elle commence à cet instant précis."




Guy Nadaud, dit Golo, a dessiné l'histoire d' Orson Welles et de sa passion pour l'Espagne à travers l'histoire du scénario de "Sacred beast" , fiction devant se dérouler dans le milieu tauromachique mais ,comme beaucoup de projet de l'ogre génial, ne fut jamais autre chose qu'une ébauche de chef d'oeuvre inabouti.

Dans " La taverne des souvenirs imaginaires" Golo met aussi en scène La Reverte, Rafael El Gallo ("les cigares du pharaon"), Tragabuches et Pampelune ("fuite navarraise").

C'est furieusement bien documenté, précis et foisonnant. Et le cante grande court dans ces pages noires et blanches. Superbe régal. Indispensable.


nb : L'éditeur est le label Sketch.
La publication date de 2003 (1500 exemplaires édités !)


nb 2 : Cette "taverne" fut initialement publiée en 1991 dans la défunte revue de BD (A Suivre). Mais , rareté, en couleurs.


nb 3 : J'ai , avec Golo, une autre passion commune, outre Orzon Güe.
C'est l'écrivain Albert Cossery. Il y a des livres qui vous dévorent dès la première phrase. "Mendiants et orgueilleux" est de cette trempe cannibale. Golo doit avoir ressenti la même chose puisqu'il a sorti une adaptation éponyme de ce roman (chez Casterman). Il a même récidivé avec "Les couleurs de l'infamie" (Dargaud).



nb 4 :Notez que je suis dans une colère anthracite.
En fait j'avais écrit un très long post à propos de Welles et de la tauromachie. Je m'étais même immergé dans des entretiens en anglais. las ! une fausse manip sur blogger et, patatras ! plus rien.
Je pleure de rage. Orzon Güe, lui, doit sûrement faire s'envoler les diables (qui imagine Welles au paradis ? il s'y emmerderait à s'éterniser) qui l'entourent en éclatant de ce rire titanesque qu'on entend sur certaines photos.
Une fois la déception avalée, je ne pouvais pas ne pas me fendre tout de même de ce clin d'oeil à Golo dont je voulais saluer depuis longtemps le travail passionnant. Mais tout de même, j'en profite pour lui dire en public : putain de machine !

jeudi 19 juin 2008

Archipiels 8


La veille, bar Candela. Nuit. De cubatas y de soleà por bulerias. Ivresse du petit monde flamenco. Dans la salle le même personnage.Comme si longtemps ne voulait rien dire ,en doudoune bleue, fumant avec cérémonie, jamais assis, arpenteur compulsif. Son regard se vrille toujours d'une lumière d'horizon pur. On dit qu'il est un peu lolo . Chacun ici le respecte dans son errance lunatique.


Los flamencos abritent encore les démunis, les simples.


Petite fébrilité : des étuis à guitare pointent leurs museaux arrondis, les bruits se rangent dans une pâte plus épaisse. Apparition des lunettes rondes de Diego Carrasco, cantaor , letrista, poète et facétieux. Passage de tout ce monde dans l'arrière pièce en tapant dans la main de l'homme à la doudoune bleue. Un cerbère mutique pose son corps entre eux et les autres. Pas moyen de s'immiscer ou de simplement jeter un coup d'œil. Peur de quoi ? de rien. Le diamant brut du cante s'est toujours mal accommodé de l'effervescence, a de tout temps préféré le cercle de l'intimité. Mais on pouvait le rompre en montrant qu' on savait apprendre à l'écouter - le saber escuchar, un des piliers du temple - et le cercle, alors, vous laissait debout,près du frôlement des cabales , ces savants sans alphabet. Unis dans l'amour du cri. Aujourd'hui la foule des amourachés de la dernière movida est nombreuse. Et peu souvent respectueuse des codes.


Il y avait, calle Canarias, barrio de Legazpi, un local où un brouillard de tabac brun servait de viatique au chant profond. Un endroit qu'il fallait aller chercher, où se tissait la fraternité. Celle que scelle toute aficion .

On attendait au bar, ou assis sur des chaises cannées. Le type à côté de vous s'avançait pour aller s'installer dans le halo des yeux de tout un chacun. Ses mains calleuses ouvrait un bouton de la chemise. Pour libérer les premiers râclements. Les premières montées de diaphragme dans les petites mailles de l'affinage de la guitare d'El Mami , le tocaor officiel de l'endroit. Un , deux cantes. Pas plus. un chant de peu de facultés,de peu de facilités. Mais totalement dans la carnation d'une incandescence libérée. On écoutait les sanglots qui sortaient par sa bouche. Puis votre voisin de chaise revenait s'asseoir. Passait boire une bière fraîche au comptoir. Les épaules moins voûtées. Il y avait la " Peña Chaqueton " . Il y avait. Il n'y a plus.


Reste l'écho du filet de voix du Chato de La Isla , un soir d'Octobre il y a plus de 10 ans. Sa chétivité et sa puissance évocatrice. Son museau de grille de transistor écrasé. Tout son savoir, charrié par la caverne éblouissante de son chant. La rumeur de l'extrême attention du lieu et de ceux qui l'habitaient cette nuit-là. L'envie de se taper le front contre le zinc du bar, la jubilation d'être fou. Fou de ce sang qui remonte du ventre du Chato et se répand dans vos veines… La porte du Candela claque. La rue est mauve. L'écho s'est tarit. Le palimpseste se tisse encore un peu plus.




Ludovic Pautier (Palimpseste madrilène)



nb : la peña Chaqueton n'est plus mais les plus fidèles de cette épopée et l'association El flamenco vive régalent l'aficion de Madrid de récitals de cante à la sala juglar dans le quartier de Lavapiés.



nb2 : Miguel Candela, dueño du bar éponyme, est décédé en Mars 2008. de manière plutôt mystérieuse. Une semaine avant je le saluais encore en poussant le chambranle du petit jour. Ces souvenirs sont dédiés à sa mémoire.





mercredi 18 juin 2008

avocat : marcel


Marcel Duchamp : "L'idée de jugement devrait disparaître".

Le toreo comme un anti-jugement.


Merci à Laurent de "Lettre, politique et duende".


peut-on rêver meilleur avocat ?

Genève le 23 Juin



les méchants c'est nous.
les zantils , c'est eux.

http://www.ffw.ch/content/view/215/666/lang,fr_FR/


pour nous
passent
Torquemada et la Sainte Inquisition,
les procés de moscou
le sénateur Mc Carthy
...
pour eux
vient
nuremberg
car
nous reprenons à notre compte
"l'animalisaton par les nazis"
car
nous traitons
"les bêtes comme les nazis ont traité les juifs et les tsiganes"
...
pour nous passent
Lavi, Tragabuches, El Gallo, Curro Puya, Cagancho,
mi Rafaë
...
leurs mannes viendront-elles à mon procès
le 23 Juin à Genève ?
où n'aurons-nous pas
de droit à la défense ?
il y aura
ils le disent
les âmes
des centaines de taureaux que j'ai vus mourir
dans la géographie poétique
de mes arènes

des centaines de taureaux dont je me souviens
le poil
les sabots
l'oeil
la courbe des formes
les muscles
les cornes
l'allure
le nom
la chair
le sang
...
ils le disent
nous serons condamnés
par un tribunal
la cour internationale
de justice des droits de l'animal
...
viendront-ils en train
en voiture
en avion
à pied
nos accusateurs ?
combien de moucherons
d'insectes volants et rampants
vont-ils écraser ?
faire écraser
liquider
purger
désinfecter ?
pour venir s'assoir
depuis leur chez eux parfaitement moral
jusqu'au siège
nettoyé
de tout acarien
de tout " métabolismes" manifestant leur "liberté"
et qui leur servira de maroquin
pour éditer la sentence
qui me condamnera
...
à quoi ?...
à vivre ?
comme ils le veulent ?
...

sans combattre
au nom de la vie qui m'a été donnée
en sachant
qu'on m'offrait aussi la mort
et la douleur
?
en sachant
que je passerai ma vie
à chercher une liberté
symbolique
hypothétique
cruelle
mais qui ferait autre chose de moi
qu'un métabolisme
?

je plaide
alors
coupable
et réclame
un verdict.


puis je retournerai
au combat.




nb : les infos sur le procés viennent de la rubrique "les puces " de charlie-hebdo
les citations sont des extraits d'un entretien qu'a donné la philosophe élisabeth de Fontenay à nicolas Truong pour "philosophie magazine".

nb2 : estocada de Lopez-chaves à un Cebada Gago en Pamplona
"la estocada"linogravure de richard Mock.

mardi 17 juin 2008

Archipiels 7



A "El Torta"



tu viens avec

un sédiment

dans un astre plié

tu viens

tu n'exiges pas

un couteau

mais son sang

pour que frottent

et s'envolent

des bousculades

de galets

dans ta bouche

sans muscle.


tu cherches

l'inverse

des mélancolies.



alors

tu as taillé un silex

dans la peau des forêts

qui incisent

ces amarres

entre toi

et leur course précise.



sous le gel à vif

de l’ardoise de ta glose

remonte en flux

l'errance

tu cherches

au milieu

des herbes coupantes

où boire

un peu

te permet le chemin.



ta vigueur a bougé

des flots d’obscurité

en parcelle

leur écume

ne t'affole pas


parce qu'elle est vraie.


tu accrois ta défiance

aux nuages.


tu es la demeure

à la mémoire des bris.



Ludovic Pautier ( La mémoire des bris )


vendredi 13 juin 2008

La mirada nublada



"La mirada nublada de Camarón que me sigue a todas partes con su lomo empapado de tormenta."

(pinchao hoy en el blog "De purisima y oro". Me quede carbonizado porque pegaba perfectamente a este retrato de Jose pintado por Mateo y que tengo en casa)


- Ciego !

- Que ?


- Ciego, y Jose Tomas ?


- jose tomas ? de purisima y oro.
todo esta dicho.
lo demas, sobra.
Pero si quiere Vd pinchar algo...


- Si, Ciego ?


-Pues, De purisima y oro.
en su sastreria de prosa huele a gin tonic con cubitos de urbaneria helada y un toque de yema, a amores crepuscularios, a toreria con sabor de pulpa seca bien bordada , a par de botos de Sabina con olor a chimenea encendida y a cante grande de voz laina soplado por los altavoces de un coche sin freno ni rumbo.
si lo pinchas, te agarra.


nb: le portrait de Jose Monge Cruz "Camaron De la Isla" est l'oeuvre de Mathieu Sodore., autre bourlingueur de cartel dont on reparlera.

nb2 :otra manera de poner pata pa'lante y cuajar una faena cronical en corto y derecho se lo puede encontrar uno a "cuchilladas". Merece la vuelta.

jeudi 12 juin 2008

chant de la fête sauvage


Olivier Deck c'est l'ami.



La même impatience passionnelle pour la piel de toro




la poésie sous les galets et les pieds de ronces au devant des vignes





la bourlingue en deçà et au delà du Somport,



jusqu'à Malaga, Villar de La Encina, Bilbo, Cuesta de las delicias, callejon del agua, Casa Bermeja,


Manzanares, Barbastro, ... depuis Jurançon, Orthez, la cabane au-dessus de Bedous dont jamais


le nom ne me revient dans l'intemporel de nos attaches symboliques.




un fagot de paroles carnées brûlant jusqu'aux lueurs blanches.




un comptoir de vie.





où Olivier se met en joue par la poétique.




voilà ce que disent les dernières nouvelles de son combat :




"Au début des années 80, lorsque les habitants de Brocas-les-Forges eurent achevé de construire leur belle petite arène en bois de pin des Landes, ils invitèrent de jeunes aspirants toreros du sud-ouest à inaugurer la piste. Olivier Deck était de ceux-là… Il a de bonnes raisons de croire que les toreros sont les poètes les plus engagés dans la voie de création artistique, et cherche toujours, lorsqu’il écrit, le terrain idéal, le fameux sitio, ce balcon à l’extrémité de la vie, du haut duquel, parfois, on aperçoit la grâce. Même si pour l’écrivain nous restons sur le terrain de la métaphore, Olivier Deck poursuit le rêve d’offrir à sa poésie des lettres de noblesse taurine."




Brocas les Forges, vendredi 13 juin 2008 21h, Cercle des citoyens


"Le chant de la fête sauvage"


accompagné par l'accordéon sismopoétique de Jesus Aured

vendredi 6 juin 2008

la clarté qui s'avance




Je suis dans la clarté qui s'avance

Mes mains sont toutes pleines de désir

Le monde est beau

Mes yeux ne se lassent pas de regarder les arbres

Les arbres si verts, les arbres si pleins d'espoir

Un sentier s'en va à travers les mûriers

Je suis à la fenêtre de l'infirmerie

Je ne sens pas l'odeur des médicaments

Les oeillets ont dû s'ouvrir quelque part

Être captif, là n'est pas la question

Il s'agit de ne pas se rendre

Voilà.





















Diego Urdiales, Joselillo, Morenito de Aranda, Sergio Aguilar, Fernando Cruz
cinq ciseleurs de terrils
cinq feux toreros
cinq coeurs au milieu.
où sont-ils à rêver
de leur " clarté qui s'avance" ?
nb : le poème est de Nazim Hikmet.
les photos sont diverses , piochées et libres, que les montreurs d'images en soient remerciés.
et par-dessus tout, un abrazo fraternel à Sol y Moscas.

jeudi 5 juin 2008

craqueur d'allumettes






La nuit s'était immergée dans le pétrole des écrans de téléviseurs éteints


.




je n'étais pas encore retiré sous ses draps



.



elle lisait lentement, enroulée dans la seule rumeur des lettres imprimées sur papier bible



.



je dansais dans les boutons de ses yeux



le reflet du palo cortado éclusé lentement à la vitesse de sa distillation



.



elle s'aprocha



.



frôla



.



mit ses mains autour de mon cou



.


vit que je respirais


(mon halètement se prolongeait dans la buée déposée sur la photo que j'avais devant moi)


.



"qui est-ce ?"



je ne sais même pas si elle prononça ces mots



.



" un craqueur d' allumettes




un calligraphe
de
lassitude et longitude


sans répit"


.



j'appuyais une dernière fois ma rétine sur l'icône


.
.
.

des lèvres inférieures


de la véronique


l'oued était sans mesure



pourtant


la potion des géomètres de neige


semblait le traverser



.



elle ne disait plus rien



je me soulevai pour la mener jusqu'au lit



sans effacer ce qu'elle avait réussi à écrire sur mes avant-bras



juste pour me dire



ce qu'elle avait compris de ce sacrifice



"



ce funambule n'a qu'un dieu




son fil d'ivresse



dans la farine en désordre



"




ludo

NB : photos de paloma aguilar et juan pelegrin









mercredi 4 juin 2008

répit



Puisque los toros nous laissent quelques heures de répit
puisque mon compagnon de tuyauterie
D'Steckelburjer
aiguillonne la vitalité du lecteur
puisque



intranquilité
invitait
à passer par tras os montes


puisque


Antonio Lobo Antunes
et ce "livre de chroniques III" (chez Bourgois en "points")

est ce qui peut nous tomber de mieux
sur le râble

:



"ce qui me fascinait le plus quand nous arrivions dans la beira alta, c'était la surdité de mon grand-père


puis



ma grand-mère lui hurlait par des gestes que nous étions arrivés,mon grand-père baissait les yeux,souriait, ébauchait un mouvement vers nous mais l'oubliait aussitôt pour répondre à l'appel des pins ou à quelque urgence céleste.


puis



ses caravelles de fumée, parfaites, rigoureuses, naviguaient vers l'ouest durant tout le mois de septembre, emportant avec elles l'été et les canards sauvages



enfin



à cinquante-sept ans le temps est venu de partir également,de prendre le chemin de l'automne, en abandonnant dans l'armoire aux vieilleries une douzaine de livres, qui sont les seules clefs dépareillées dont je dispose. elles n'ouvrent rien sinon des portes qui n'existent plus."


voilà.

délices qui vous restent entre les mains.

mardi 3 juin 2008

50 duende


la toile.
sa navigation.
une poétique du pèlerin sur internet
affleure parfois
quand on se met en traque d'un mot
par exemple


duende.


un jour
une nuit
les bâtonnets de la rétine
fouillent
une dernière fois
l'humus des menus déroulants
...paf
ça se télescope en
"lettres, politiques et duende"
un nom de bistro dans une nouvelle de Vila-Matas
j'y rentre
forcément.


j'y reste
j'y reviens
je me tape quelques canons
au fond du bar.




dans son dernier post
D'steckelburjer
dit tenir un être
humain
s'il lit au moins 50 livres par an
le tenancier exagère toujours
mais c'est sa faconde
qui fait aussi
qu'on s'en jette un autre.

il a raison.
c'est une enquête d'un hebdo
d'un pays lointain
ignorant des nôtres tribus-
le nouvel observateur-


(aujourd'hui ce sont
les fossoyeurs
qui jouent aux détectives
à coups de sondages
et d'enquêtes
plutôt que de parler
de littérature)-




qui l'a mis sur la piste
des futurs faux lecteurs d'Orwell
mais vrais personnages de ses prophéties.



50
je ne sais pas
je n'ai jamais compté
50
c'est le nombre de corridas
au minimum que je voyais par an
mes premières années d'aficion.


aujourd'hui je ne pourrais plus.


50
duende
c'est
trop
de gnomes
prêts à vous dévorer
tapis dans tous les coins


50
dives
à boire
il faut cracher
et je ne sais pas



mais il a raison.
et puis
ce qu'il dit derrière son comptoir
est toujours un trait libre.


et puis
"lettres, politiques et duende"...
merde
si vous poussez pas la porte du rade
quand vous voyez ça
inscrit
sur la façade
c'est que vous lisez peut-être 50 livres par an
mais vous vous les envoyez certainement
comme autant
de verres de flotte.




ludo



NB : l'illustration est tirée d'un catalogue pour cycles.
ce cadre de vélo s'appelle "pegoretti duende".

lundi 2 juin 2008

Archipiels 6




por ser tan buena persona


artiste pléthorique


y flamenco de verdad


ces mots


avant d'écouter son nouvel opus







dans le temps infini des paumes
dans le roulement d’un cercle
où se lève l' alliance
des totems décloués
jusqu'aux lèvres

il sait
profaner sa tombe
et la découdre



à ces abords tuméfiés
à chaque assaut
il entrechoque
sa cadence solaire



et prend les couleurs
d'un cheval de forge










Ludovic Pautier (Autopsie des chants profonds)