vendredi 30 décembre 2011

A la luna de Enero


Ayé. nous y voilà. bonne année my derche et tout le toutim. les huîtres brûlantes, le pet' nat' tièdasse et les greluches frisquettes. j'ai piqué, ou plutôt j'ai pensé à ça chez Orzon Güé. en fait chez Kauffmann, JP Kauffmann. un bouquin sur le champagne. chiant par antonomase mais précis dans les sensations qu'il veut nous transmettre, diablement bien écrit et passionnant au bout du compte. une belle étrenne. ça et "Les fourmis n'aime pas le flamenco" , du collectif Auguste Derrière. ouvrez une page et vous vous torchez les yeux tellement se déploie au fur et à mesure tout ce qu'un rire truculent peut truculer. seul, dans un tram, un avion, au bois joli, à l'hosto, au cimetière, au lit, je vous défie de ne pas gondoler.


Sinon, sinon... plus sérieux, le tome 5 du "Labyrinthe magique" de Max Aub. celui-là c'est "Campo del moro". il reste encore à publier aux Fondeurs de briques ( mais peut-être est-ce déjà fait ? ) le "Campo de almendros" et c'en sera terminé de cette espèce de "Guerre et paix" orpheline d'épopées, ibèrement foutraque, inclassable, presqu'à hauteur d'homme -enfin un livre à hauteur d'homme- et magnifique. même en pleine déconfiture des dernières semaines du siège de Madrid, Aub snipe fort : " Il arrive un moment, dans cette vie passagère, où il ne reste à l'homme que le vin. Le reste ce sont des luxes inutiles, comme tous les luxes, sauf l'art."
Et puis mon poteau Laurent Perez a sorti une nouvelle revue. revue critique. intitulé de l'objet : "La lecture". simple et droit. en l'état : Agamben, Bernard Dufour, Andrea Zanzotto. ouf, pas que du petit four canapé. de la sauce, montée savamment. comme j'adore tiounquer je vais m'abonner. en attendant, long life to the lecture.
faut que je vous parle aussi de l'Assaut du Théâtre Imaginaire, l'A.T.I., lancé par un autre aminche, un compadre, un hermano : Vargas, celui du " duende est une femme", de notre texte à deux mains gauches, "Avanzar". faut que ? voilà, c'est fait : poètes, à vos papiers.


J'ai rêvé des taureaux du Curé de Valverde. de ceux que j'avais vu il ya , pfffuiii, plus d'une décennie maintenant. décennie ça fait plus vieux, plus aficionado blanchi sous le harnais. déjà que la semaine d'avant, je m'étais réveillé en sueur et en sursaut parce que dans les limbes qui précédaient j'étais entouré de Prietos de la Cal qui chantaient " Petit papa Noël" au milieu de la plaza de tienta en déconfiture de La Ruiza, brrrr...le molosse maison aboyait (on l'avait surnommé "Bahamonde" , nous étions facétieux) en cadence : "pourquoi ? pourquoi ? pourquoi ?" j'ai supposé qu'il était pétard parce que cette année encore, mécréant indécrottable, je n'ai pas monté de "Belen"  . alors, là, dans mon songe de la nuit dernière, les tios aux ergots de rhinocéros del Cura, c'était un signe de plus.
 les deux fois, à La Ruiza et à Horcajo, Serge m'accompagnait. ou plutôt je l'escortais. on cherchait des novillos pour Villeneuve. on nous montrait des petits cochons noirs, très beaux, presque à manger crus ou au mieux un "charoles", on voyait des lauriers-roses, de la poussière, des chiures dans les tasses à café, mais des taureaux de combat, hum, il fallait en débusquer ! mais on s'était bien poilé.
parce que Régis avait un tee-shirt qui glorifiait l'indépendance d'Euskal Herria,
que les types assis à table en face de lui lisaient l'ABC en lunettes noires,
que Madame de la Chaux aurait pu s'appeler Marge Simpson,
que le Curé arborait une protubérance " que rigoureusement ma mère m'a défendu de nommer ici " - certes maladive mais tellement improbable et qui grossissait à vue d'oeil au fur et à mesure que nous avancions vers lui,
que Julito Aparicio tientait les vaches de l'écclésiaste et qu'on imaginait tout à trac la tête des catetos les plus toristas apprenant la nouvelle.
et puis on était remonté sous la pluie à partir de Burgos. sans essuie-glaces. je crois que c'est peut-être ce qui déclenche les cauchemars où je me retrouve , des années après, avec des paires de cornes en pointes sur pattes et qui mugissent en choeur et en cercle "...and japi niu llier"  :  l'absence d'essuie-glaces dans tous mes souvenirs.


le vent de Joachim a couché encore un peu plus le prunier. il a fallu l'élaguer sévère. j'ai rangé le bois. il se mêlera à la saveur des entrecôtes l'hiver prochain. c'est comme cela que devraient finir tous les vieux amis. cendres et buée. arômes et sucs gastriques. au fond d'un puits ou d'une cheminée. ou dans les vignes, jeté sous la lune tendre en décoction comme le purin d'ortie ou mixé avec du quartz dans une corne de vache brave santacolomeña. mes filles sourient derrière la vitre. il sera comment l'arbre de leur jardin ?
il y en a un de vigneron , c'est un phénomène. Richard Leroy a des parcelles en Loire. il urine sur les ceps. à la question : "Eh bé ! tu pisses dans tes vignes toi ?" il rétorque :" c'est comme ça qu'elles me reconnaissent..." c'est écrit et imagé dans la formidable BD d"Etienne Davodeau, "Les ignorants". Ôde à la terre sans intrants, sans sulfites, sans Pétain, sans  crétin. té ! j'aurais mieux fait de divaguer l'autre soir sur les cuvées de Leroy  "Les rouliers" et surtout, surtout, "Les noëlles de Montbenault". enfin une nativité sans cauchemar.  je ne sais pas ce qu'il en aurait pensé le type de ce Jurançon d'adéquation siroté l'autre dimanche, la couleur dans la bouteille qui se vide dans la couleur du soir titubant dans la couleur de nos yeux pensifs.  c'était un Clos Joliette. un 1944. les vendanges du débarquement retrouvées dans une armoire. une offrande. de la noix grillée au feu de l'orage au-dessus des bourdaines et juste après cette fraîcheur de tourmente accomplie qui descend sur les plumes du pinson un peu affolé par tout ce barouf.  on ne s'est pas gêné pour se souler sous la pluie. merci Carine.



Les morlacos du Curé, les endrapés de Tomas Prieto ont pris la fuite avec l'aube. les taureaux sont de toute façon loin en ce moment. ceux qui en ont fait leurs laitières m'insupportent de plus en plus. au moins ils ne "managent" pas mes rêves, même pas mes terreurs nocturnes. demain c'est 2012 et débutera l'année des 20 ans de la perte du Camaron. je fumerai un cigare de Navarre vers minuit. je penserai à lui et sous le prunier sans tête je chanterai  au milieu de taureaux de Gérion imaginaires : " A la luna, luna de Enero, con mi capote y muleta iba a los encerraeros..."

Feliz año. si ? que si, de verdad.