mercredi 20 février 2013

A la folie


J'écris et là , dans mes oreilles, chante "El Torta". El cante bueno duele. Mais certaines fois "le duele al cantaor" parce qu'il se bat avec ce qu'il désirerait étreindre ou cogner et qu'il n'attrape pas. De sa poitrine, du vent, de son poing, du sable, du rien à l'entour juste des glaires, une colonne d'air qui vacille, ça ne passe pas. C'est ce qui arrive au Torta, en public à l'hôtel Triana, et il souffre. 
Je souffre avec lui. 
Je pense alors à Juan.
Juan Sanchez-Fabres, si je me remémore la dernière fois où je l'ai vu, faisait pourtant des sauts identiques à ceux d'un enfant au pied du sapin découvrant la panoplie dont il rêvait. La sienne, Juan il y a longtemps qu'il  l'a toutefois enfilé : c'est celle du fou, du loco perdio, romantico y libre. Celle qui dit au monde de ses contemporains : je suis ganadero de Bravos. De taureaux de l'encaste Coquilla. Parmi les derniers des derniers. Le monde contemporain ne rit pas de ces fous-là, elle s'en détourne juste. Juan n'en a cure. A Pedro Llen il choie ses vaches, compte ses erales, ses novillos, rêve de sortir une course de 5 herbes comme il en sortait dans le temps à Madrid avec peut-être un  nouveau "Relampaguero" ce taureau qui eut les honneurs de la vuelta à Las Ventas en 1959. Mais le mundillo est un monde certes restreint mais tout aussi contemporain, mesquinerie, caspa et navajazo dans le dos en plus. A son enthousiasme pour l'alchimie du Coquilla - bravoure, mobilité, fijeza -on lui sert en douche : ses taureaux sont trop peu volumineux, les cornes pas assez veletas et surtout, surtout, leurs museaux de furet qui embistent sans se laisser faire, leurs indocilités de sauvageons ça ne colle plus avec l'animal que plébiscitent les vedettes qui veulent de la viande avec une langue juste assez longue pour se faire lécher la taleguilla et qui démarre comme si on appuyait sur un bouton.
Le jour où je vis Juan bondir de la sorte, je sus que notre toqué de sang brave venait d'oublier d'un coup tout cela et pire encore, notamment les fonctionnaires vétilleux issus d'écoles appliquant l'hygiénisme européen qui l'avaient conduit jusqu'aux portes de l'abattoir pour ses bêtes et de l'abattement pour lui. Une poignée d'aficionados français, relayés par la blogosphère avait réussi à le dissuader d'aller jusqu'au bout de son emportement, la vague de soutien résultant si forte qu'il réussissait à affronter encore et encore les plaies de l'Egypte administrative que lui tendait en miroir des commissions de vétérinaires bardés des tables de la loi. 
Ce qui lui donnait des ressorts de Zébulon, ce qui lui permettait d'arborer un sourire qui mangeait toute sa barbe, ce qui faisait pétiller ses yeux malins et passionnés portait le nom de "Bordador", fils de la vache "Bordadora", "tienté" par Martin Pareja Obregon, et du  taureau "Soberano", mis en valeur par Domingo Lopez Chaves. Numéros, respectivement 8, 1000 et 10. Arithmétique de promesses. Héritage de bravoure et d'amour. Juan Antonio Siro venait de suer la goutte devant le novillo qui était allé avec une allégresse et un caractère inébranlables plusieurs fois au cheval. On allait le garder, c'était l'os à moëlle dans la soupe, le filon dans le minerai, la folie dans les yeux de Juan qui reprenait couleur. Nous étions fiers, nous avions participé à remettre du baume au coeur d'un grand ganadero. Le bonheur de l'aficionado lambda est si simple...

Las, les espoirs durent ployer. Oh , il se prolongèrent quelques temps. La carte verte d'abord permit d'entrevoir le bout du tunnel sanitaire puis un demi-encierro fut programmé à Madrid avec leurs frères de Sanchez Arjona. Mesquinerie à nouveau ? Défaut de présentation ? les deux ? je ne sais. Par contre les reseñas furent élogieuses, il y eut de la classe et de la promptitude à aller au combat, de celles qui éclaboussent l'aficionado le plus boucané au soleil des andanadas. L'année suivante, patatras ! dans le cadre d'un cycle des encastes minoritaires -déjà, l'intitulé à la con,  ça sentait le foin.. - re-bouts de chandelles à la petitesse sordide de la part des organisateurs, pied-de-nez mal élevé à l'aficion del Espiritu Santo : sur les six qu'avait bichonné Juan spécialement vu qu'on lui avait assuré un lot complet au regard de la demie-novillada de 2011 éh bien trois furent jugés inacceptables par Taurodelta pour ...excès de poids ! Pékin à Tombouctou, Reykjavik à Canberra. Au final, le 21 Septembre 2012 : 3 Sanchez Fabres, 3 Hoyo de La Gitana, 3 novilleros mi-verts, mi-toreados...Bref, l'ensemble tourna mal et pour Juan, court : deux de ses novillos furent même "rechazados" avant même la mise en lot. Un seul sortit, "Torrero". Il mit l'eau des essences à la bouche du conclave avant que le ciel de Las Ventas ne crève et dilue tout cela dans une tarde sin pena ni gloria. Comme si tout était voué à n'être qu'englouti, désespérément englouti dans cet abat diluvien : les espoirs de Juan, "Torrero",  "Bordador", "Relampaguero", Pedro Llen, Coquilla et leur folie, leur si belle folie.

J'imagine que Juan a du ressasser maintes fois ce dernier combat, que Maria-Cruz l'a soutenu plus que raison, que les amis du Campo Charro et d'ailleurs les ont appelé, réconforté. Mais Juan ne pouvait plus qu'abdiquer : et c'est ainsi qu'à cette heure il lui reste 6 beaux taureaux de Coquilla et il voudrait les voir partir ailleurs que dans la fumée d'un matadero après avoir été rôti par le feu de complications diverses : il y a un saneamiento fin Juillet dont on sait qu'il pourrait être fatal, des promesses avec Orthez qui devait et qui ne peut plus ( Orthez est une plaza comme les autres, quand les aléas vous tiennent ), des dates qui sont déjà "enquillées" un peu partout et aussi, il faut bien le reconnaître, une certaine indifférence qui préside à tout cela. Et au-delà ? au-delà, le nerf de la guerre, le "parné" , la monnaie, le flouze. Il faudrait , pour que meurent dignement dans l'arène et au milieu d'une dernière et grande ovation à un pan de l'histoire de la ganaderia brava, une somme rondelette que seuls des empresas idéalistes, des aficionados soudés, des peñas solidaires ou des mécènes providentiels pourraient rassembler. Bref , des locos encore une fois. Ceci est donc un appel à la folie, celle de voir lidier la dernière course du fer de Sanchez Fabrés.
Si ce que je viens de vous narrer vous touche, Juan est toujours là-bas, les yeux perdus dans les cercados où bientôt ne mugira plus que le pragmatisme d'un monde toujours plus calibré. Appelons-le, donnons-lui signe de vie. Qu'il saute de joie une dernière fois en voyant des taureaux qu'il aura tant aimé se battre jusqu'au bout et ne pas finir comme des carcasses anonymes.  

samedi 9 février 2013

La musica callada del cantaor


Hala ! Madrileñ@s, la suerte que teneis ! Un artista cabal, mi amigo Mateo, un cineasta fino y sabio, el Floreal, una buena charla, una peli y una expo que se merecen puerta grande, un lugar bonito y , me imagino, vino , tertulia y juerga si por hay surgen una sonanta y una garganta, un pecho , un alma, un grito.

Sobre "La mano azul" , en este blog le dedico hace ya unas lineas. Pulsando aqui se puede leerlas (en gabacho, lo siento ).