dimanche 28 juin 2009

A personal journey ( 3 )



dans cette troisième partie on voit se dessiner plus nettement les caractères des protagonistes les plus jeunes, alter-égo de tao ruspoli parce qu’ils sont de la même génération mais avec des origines sociales diablement opposées.
cette proximité et ce décalage ne créent pas d’incompréhension mais de l’empathie. du coup,le cinéaste enchaîne les questions de béotiens avec un véritable à propos.

l’idée de la voiture comme espace scénique est le parfait symbole des relations que ces gitans de séville essaient d’extirper d'une modernité à laquelle ils ne peuvent se soustraire, mais à laquelle par ailleurs ils ne veulent surtout pas se soumettre.
alors ils chantent sur les toits malgré les admonestations des grincheux - des « malajes » - et ils vont au contact du grand respect des anciens.

paco valdepeñas est beau comme un clochard céleste.
il décline une identité forte mais sans forfanterie puisqu’on ne lui a pas appris à en avoir.
il chante. por bulerias pa’escuchar.
une partie de sa dentition n’est qu’un lointain souvenir, celui des temps beaucoup plus difficiles, aussi durs que le quotidien des vendeurs hongrois du journal de rue « la farola ».
son chant zézèye et ce qui pourrait être comique n’en est que plus tragique. une sorte de gravité du plaisir ( comme dirait - voir le lien - olivier ) sollicitée par des flamencos qui pourraient être ses enfants et le considèrent effectivement comme un pater familias de l' art qui imprègne jusqu’aux facéties d’oiseleur de juan el camas.



et si on s’attarde sur le visage du tocaor qui accompagne, dévorant du regard la silhouette de guingois du vieux cantaor, on est à même de comprendre que c’est d’abord dans les yeux que résonnent le mieux les poèmes les plus profonds, ceux " des moulins" et de "la pierre" de la meule, ceux d'avant la machine et le manufacturé.

cette machinerie c'est ce que réfutent les jeunes pousses qui copilotent la caméra du réalisateur.
ils disent que pour sonner jondo, il faut ne pas hésiter à "tocar sucio" , " dirty ", littéralement : à jouer salement ( on dit , de toute façon , jouer salement bien , non ? ).
car les nourritures flamencas ce sont avant tout les reliques des repas , les fonds de bouteilles tombées de la table de ceux qui n'ont pas eu faim et soif.
miettes, gras, os, peau et noyaux tintent et enrobent les notes des sons les plus noirs.
il faut gratter la boue et récupérer sa sueur, tel un bien aussi précieux que la plus raffinée des essences.
de ce mélange naîtra une effluve.
elle viendra se tapir et haleter derrière les barbelés du chant d'un paco valdepeñas.
écoute...

ahora, a disfrutar.



nb : la reproduction illustrant le post représente paco valdepeñas est l'oeuvre du peintre marvin steel.

mercredi 24 juin 2009

A personal journey ( 2 )



après le "seseo" subtil et épicé de juan el camas de la première partie, la suite se fait altruiste quand manolo brenes dit que la naissance du flamenco est un avènement de l'ordre de l'universel. pourquoi ?
parce qu'il est né partout où il y a "un petit coin de rue". magnifique humilité.
et que dire de l'évocation de la figure de diego del gastor, gitan de lin et de poix, fumée fétiche d'une des plus grandes lignée de tocaores.
la preuve ?
la rue de moron que la mairie a baptisé à son nom ? vous rigolez...
par contre l'inscription au-dessus du bar casa pepe aujourd'hui envolé où on pouvait lire : diego del gastor / université du flamenco / moron de la frontera , alors là , oui !



moron et sa peña "el gallo" .
son festival de cante , le fameux et bruyant "gazpacho".
un souvenir.
la veille au puerto, curro a toréé au capote plus lentement que l'air suffocant qui nous oppressait. trois véroniques et une media sur un tempo de gastéropode. à ne plus vouloir fermer les yeux pendant l'éternité qu'il nous reste, à nous, mortels.
mais la course est creuse, bête, inodore.
et les passes de curro , un oued princier mais de peu.
pourtant, le lendemain , dès le seuil franchi du bar de la peña flamenca de moron, les conversations tournent autour du fameux quite du pharaon.
de l'assemblée personne n'y a assisté mais la poudre du currismo se déplace à une vitesse diamètralement oppposée à celle du capote du maestro.
impossible de ne rien dire, de ne pas saler cette tertulia improvisée.
" on y était ! "...
la suite n'est qu'accolades et manzanilla , tremblements dans les voix et jambon à patte noire. avec un petit coq en simili or pin'sé d'office pas loin du téton.



on interroge sur la symbolique de l'animal. on nous narre la légende.
on veut s'échapper, on se confond en excuses , on "trague" l'avant-dernier, on laisse le dernier (sinon c'est que tu as encore soif ), on s'excuse encore, on reveut s'échapper, on...
on s'échappe. (on musardait jusqu' à murcia , les amandes tomberaient bientôt )

des fois, quand je fouille la malle de mon musée imaginaire à l'intérieur toilé en peau de taureau , je le vois le gallinacé déplumé monté sur sa petite épingle oxydée et si je ferme les yeux je l'entends chanter :

"curro romero, curro romero /
pura esencia de los toreros ".
ahora , a disfrutar



nb : en photo , diego del gastor. chez le ciego, of course ( on peut rêver,non ? )

dimanche 21 juin 2009

A personal journey ( 1 )



" flamenco a personal journey " est un documentaire de tao ruspoli, un jeune " gringo" - on dirait outre-pyrénées un "guiri" - né en thaïlande, qui a grandi à rome et à los angeles , vivant aujourd'hui à venice (californie).
Pour ce travail ,il vient d'obtenir à barcelone le prix " palucine " lors du festival " ciutat vella" .
c'est keith richards des rolling stones, un ami de son père, qui lui aurait confié un jour, alors qu'il apprenait la guitare électrique depuis quelques temps, que pour lui , si on voulait apprendre à jouer de la gratte il fallait chercher du côté du flamenco ( mick jagger a tous les disques de camaron de la isla dans sa discothèque ...).
" si tu arrives à jouer flamenco alors tu arriveras à jouer tout le reste " lui asséna la légende vivante du rock'n'roll.
c'est ainsi qu' un concert de paco de lucia , un début d'apprentissage auprès d'un neveu de diego del gastor ( agustin rios ) et un passage à la section ciné de bekerley plus tard (soit quatre ans environ ), le jeune impétrant se retrouva sur le sol espagnol avec une caméra digitale pour un premier "trip" andalou.

cela devait durer deux semaines. puis un mois. puis trois et finalement se terminera une demie-année plus tard. son premier contact fut juan del gastor. puis il rencontra luis peña et paco valdepeñas.
précisons que, si on veut rentrer vite au bercail, mieux vaut ne pas commencer par ces trois zigotos...mais de là à affirmer l’innocence du projet et que tao ne savait pas qu'il aurait envie de rester s'immiscer dans ce mundillo flamenco , rien n'est moins sûr.
parce que dans son film la fascination qu'il éprouve joue à plein.
il scrute au plus près ces jeunes gitans qui lui expliquent à l'arrière d'une voiture qu'il aiment le flamenco à l’égal de ces tomates qu'on a plantées soi-même et qui n'ont pour autre goût que celui de l'inimitable.
ils observent un style de vie sans but ethnologique , sans métaphore sociologique. mais avec une empathie sincère envers la jouissance d'un langage profond et simple, issu d'une philosophie extrèmement existentialiste.
Tao ruspoli filme les toits des villages où se chantent "por lo bajini" des coplas savoureuses( le voisinage chafouin veille à la tranquilité des " desanimados " ), où se dansent avec une grâce moléculaire des "patas" qui chassent la poussière de la journée d'une seule virevolte.
à l'arrière salle d'un bar, à la fin d'un repas, lors d'un mariage, au rocio, le réalisateur se cale à hauteur d'homme et laisse la flamencuria s'installer ou la croque sur le vif.
il écoute ou relance avec une question ce qui est dit ou suggéré sur la force et la vitalité d'un art de vivre mais qui prend (et a pris surtout ) des coups. finalement, ces coups se ressentent plus fort lorsqu'un des leurs disparaît que quand ils constatent que l'industrie du disque se repaît aujourd'hui avant tout d'un flamenco calibré, presque machinalement parfait.
ils sont sans aigreur parce que leur peine et leur joie sont ailleurs.
et que, "cantando la pena, la pena se olvida".

40 artistes jalonnent ce trajet. Ils semblent tous, à des degrés divers, des êtres merveilleux mais ancrés dans leur temporalité, leur difficulté, leurs problèmes domestiques ou ontologiques dont ils se défont avec grâce et « aire ».
parfois ils enfilent les topiques mais leur réflexion ne s’arrête pas de tourner. ils creusent leur propre mystère. ils en sont conscients. ils sont prêts à le partager.
c’est peut-être cela qui a changé : expliquer la difficulté et l’extase d’être au monde ( et tous les entre-deux ) échappe au simple cercle familial, social ou ethnique.
la preuve c’est qu' un auteur éloigné des formes à priori insondables du cante a trouvé un biais pour raconter l’étincelle du vivre du côté des flamencos et élargir sans pervertir ou enjoliver l’agora.
à mon sens , c’est magistral.

ahora , a disfrutar.



nb
: merci à nouveau au site " deflamenco " qui m' aiguillé vers cette quête personnelle.
nb 2 : la diffusion de ce film est uniquement disponible par internet. je mettrai donc en ligne les 9 chapitres suivants sans crainte d'une hadopisation angoissée ou d'une mauvaise conscience quelconque puisque c'est l'auteur qui l'a voulu ainsi.
nb 3 : je suppose que le titre est une référence et un hommage au " a personal journey " de martin scorsese qui est une invitation à l'exploration de son musée imaginaire du cinéma américain. on pourrait avoir de moins bons maîtres.

mercredi 17 juin 2009

Sur une feuille de tabac



suite aux méandres sebaldiens.
poème d'aparicio.
pure copla sur une feuille de tabac.
pour jeanmi.

Toma este puñal dorao
y ponte tu en las cuatro esquinas
y dame tu de puñalá
y no me digas que me olvidas
y no me lo digas jamás.

Que con el aire que tu llevas
cuando vas a navegar
hasta el farol de la popa
que tu lo vas a apagar.

Cambiaste el oro por plata
la plata se volvió oscura
cambiaste el oro por plata
que cambiaste una noche muy clara
por una noche sin luna.

que disparate, que disparate!
que yo te quiera, igual que antes.


(cantiñas de La Mejorana, Rosa La Papera y Rosario La del Colorao /carmen linares y vicente amigo / antologia de la mujer en el cante )



nb : la photo est de paloma aguilar.

dimanche 14 juin 2009

" Le méandre qui enserre l'île des Chiens "



" Le temps , dit-il dans le cabinet aux étoiles de Greenwich, le temps était de toutes nos inventions de loin la plus artificielle et, lié aux étoiles tournant autour de leur axe, il n’était pas moins arbitraire que s’il eût été calculé à partir des cernes de croissance des arbres ou de la durée que met un calcaire à se désagréger. Sans compter que le jour solaire auquel nous nous référions ne fournissait pas de repère précis et que pour mesurer le temps il nous fallait avoir recours à un soleil moyen, imaginaire, dont la vitesse de déplacement ne varierait pas et qui dans son orbite ne serait pas incliné vers l’équateur.


Si newton a pensé, dit Austerlitz en montrant par la fenêtre , brillant dans le reste du jour, le méandre qui enserre l’île des Chiens, si Newton a vraiment pensé que le temps s’écoule comme le cours de la Tamise , où est alors son origine et dans quelle mer finit-il par se jeter ? Tout cours d’eau , nous le savons, est nécessairement bordé des deux côtés. Mais quelles seraient à ce compte les rives du temps ? Quelles seraient ses propriétés spécifiques correspondant approximativement à celles de l’eau , laquelle est liquide, assez lourde et transparente ? En quoi des choses plongées dans le temps se distinguent-elles de celles qui n’ont jamais été en contact avec lui ? Que signifie que nous représentions les heures diurnes et les heures nocturnes sur un même cercle ? Pourquoi , en un lieu, le temps reste-t-il éternellement immobile tandis qu’en un autre il se précipite en une fuite éperdue ? "

(W.G. Sebald / " Austerlitz "/ Actes Sud / trad. Patrick Charbonneau )


merci à victoria et à laurent pour la découverte de sebald.
ce pincho est pour vous.
en lisant ce passage, des images qui ont un jour traversé ma rétine d'aficionado a los toros, se sont immédiatement imposées.
j'ai juste essayé d'en retrouver l'essence à travers ces clichés glanés sur la toile.
cela me semble faible malgré le talent des photographe au regard de la puissance évocatrice de certains souvenirs, mais cette impossibilité à dire et à montrer ce qui tapisse notre for intérieur est la trame même de cette quête.
quadrature du cercle.
aporie fêlée par les mots du poète.

mercredi 10 juin 2009

En una veleta ( por Manuel Parrilla )



Cuando yo me muera,
enterradme con mi guitarra
bajo la arena.
Cuando yo me muera,
entre los naranjos
y la hierbabuena.
Cuando yo me muera,
enterradme si quereís
en una veleta
Cuando yo me muera !


comme à chaque fois qu’un tocaor casse la septième corde, celle qui le retient à ce monde, on se dit que le poème de federico semble avoir été écrit pour épitaphe de chacun d’entre eux.
Parrilla de jerez - manuel fernandez molina - laisse la rue campana de jerez à ses coups de vent qui tapent sur le volet derrière lequel sa bougie se consummait lentement depuis la mort de paquera, su paquera.

lors de la biennale de séville qui suivit le silence définitif de ce maelstrom du chants des souterrains et des cieux, une dernière fois, il avait voulu lui rendre hommage en cadençant son fameux coup de patte por buleria qui sentait l'allumette, seul, avec la voix de paquera enregistrée perçant le cœur de ceux qui étaient là.

la maladie sortit ses tablatures peu après et lui regarda cela sans peine et sans acrimonie. sans plainte, je crois. le quejio c'était pour autre chose. il le savait mieux que quiconque.
ainsi sa pulpe avait toujours couru le bois saint sans avoir peur de se perdre dans la forêt de notes qu’il ne connaissait pas, qu’il ignorait avec la superbe de la race des sans alphabets.


il entendait le vent passer sur le mur, heurter les ferrures mais il attendait avec serénité.
c’est comme cela que je l’imagine.
les yeux sur le moucharabieh de sa vie, dans la cruche posée juste à ses côtés il écoutait exsuder le chant de l’ancêtre juanichi, la seguiriya del cuco, si délicate à extraire des pores de la gorge des plus grands, les roulements de phalanges de parrilla el tio, son père qui sentait le chant como naide puisqu’un jour il l’avait enseveli pour toujours sous sa glotte , incapable d’un son de plus mais gardant son savoir cavernicole avec fierté, respect et jalousie.

«Comparito mío Cuco / anda, ve y llama a mi mare / que me muero en esta casapuerta / revorcaíto en sangre» ( siguiriya de juanichi el manijero )



autour de lui des lueurs.
celles des buffles de sernita, de borrico
et paquera, lionne divine qui lui ébouriffe encore les cheveux quand il s’endort.
ce n'est plus elle qui sussurre, c'est lui. d'un filet de voix qui se confond avec le vent entré soudain par la main du clair-obscur.


Quand je mourrai,
enterrez-moi avec
ma guitare
sous le sable.
Quand je
mourrai,
parmi les orangers
et la bonne menthe.
Quand je
mourrai,
enterrez-moi, si vous voulez,
dans une girouette.
Quand je mourrai !


manuel fernandez molina - parrilla de jerez - est décédé samedi dernier des suites d'une longue maladie.
qu'il repose en paix.



nb 1 : merci au site de flamenco et particulièrement à l'auteur de l'obituario de parrilla. si c'est alfredo grimaldos, deux fois merci. dile angel !
nb 2 : la vidéo est extraite du film " vengo " de tony gatlif.

samedi 6 juin 2009

Portrait d'une âme


à tous ceux qui ne connaissent pas LF Espla et passent par ici, j’ai eu envie de le décrire plutôt que d’apposer derrière le bar une photo identitaire .
car ce serait d'abord lui voler son âme et ce serait impossible puisqu’il l’a immense.
alors voilà.

Luis Francisco est un mortel initial entre chien
et loup mangeur de feu .
une belette radicale au sourire de pollen
dans le cosmos des coups de serpette
un boulanger mêlangé à toutes ses farines mais avec un goût de plomb et d’or.

il a trois ridelles
trois rayons tombés du soleil de son œil gauche.
trois plis qui arruguent le parchemin tavelé
apparu dans l'ourlet du parfait frisson
de sa peau
quand il sent qu’être torero est parfois la chose la plus importante au monde.

il a sous sa peau cousu des talismans :
bouquets de poils de taureaux gris et grains de sable de céret.
pour et contre le sort.

on le dit elfe.
je le dirais insecte géomètre.
avec une élytre unique
trémière et crépuscule de madrid.

si vous le croisez, donnez lui du monsieur. ou mieux du « Don » .
Don Luis Francisco Espla, torero de cabeza, va por Vd Maestro.



nb 1 : il y a sur le blog de la condesa un hommage émouvant à Espla. et une explication au pourquoi de cet hommage dans le deuxième commentaire.frissons garantis.
nb 2 : l'enthousiasme (suite ) après son triomphe madrilène les frissons garantis semblent courir sur toute la peau de taureau. rosa jimenez cano , espladista, joaquinvidalista y navalonera ( o sea buena persona )raconte au fil de ses derniers posts cette frénésie. on dirait que tout le monde s'embrasse. c'est bien de temps en temps. je trouve.
nb 3 : autre lien, celui de " de purisima y oro " . comme toujours un texte avec un univers auquel, personnellement, j'adhère à cien por cien. et c'est finalement un des bloggeurs les plus talentueux et des plus mystérieux. qui est "purisima..." ? la réponse est moins intéressante que le contenu du mystère. alors lisons-le.
nb 4 : les photos sont de juan pelegrin ( otro loco por lo de espla )et de paloma aguilar.
nb 5 : et allez, ça continue...comme le dit jeanmi : en solo 20 muletazos...capoteo de morante, faena corta y maciza de toreria que sobra y todo esta dicho. où sont les faenas des 150 redondos que veulent nous faire avaler les taurinos du marketing ( ou les marketers du taurining ? )dont on se tamponne le coquillard allègrement ! aux oubliettes, sous le tapis, au fond de la classe, noyé dans l'indifférence intersidérale. ponce a indulté un bicho de je ne sais qui je ne sais où. pero, carajo , on s'en foOOOOUUUUUuuuut !!!!!!!

mercredi 3 juin 2009

Chemin de vic 5 ( les tripes de la luzerne )



Gers des silences qui lissent ses vallons ( la lumière flotte dans l’éole parfait des senteurs de pailles presque cassantes, un peu fraîche encore, idoines pour s’asseoir, joindre ses genoux , gracile y poser son menton ) .
Vic des furies qui débordent par ses outres ( L’air s’alourdit des fanges qui balisent de leurs odeurs de pisse chaude et de souffles lourds comme rouelles de barriques usées les heures où tranche le soleil ).
feria où cognent le cuivre du bruit et la bigarrade des grappes de la fantaisie et de la bêtise liées par l'excés et la démesure ( le souffle des musiciens de rue et de scène gonfle ou vide les ardeurs, c'est selon )
arène et temple de légende intègre.
...


On pourrait y penser si on avait le temps, mais il faut enchaîner course matinale et vespérale * .
Perles d’un rosaire aficionado trop pléthorique. Syncrétisme nouveau de spectateurs alimentés à la chaîne . Moloch à tête d’apis qui dévore ses enfants.
Alors on est un peu frontal baissé et on ressemble à s’y méprendre à un garcigrande d’amphithéâtre. Allez savoir pourquoi…



Mais les hommes sont têtus. Même dans cette adversité , cet air fol du temps, il a toujours bâti des moments où, relever la tête et séduire la vie, n’est pas un vain mot. Ou Juste un slogan chic ou choc genre « le bonheur est dans le pré » , cette sombre tyrannie marketing.
Il se donne , l’homme, l’instant, le lieu, les présences et l’harmonie nécessaires pour noyer son nez dans les effluves d’un léon barral, ce vin dont le propriétaire a un nom qui sonne comme patronyme d'un chef de quadrille hispano-landais aux bacchantes frémissantes d’affronter par un clair après-midi des croisés de joseph lescot.
Il s’octroie le luxe de mettre la manteca suave et vive à la fois d’un mas jullien, d’un clos thou, sur des paroles d’échange simples et passionnés avec une pandilla d’une espèce semblable et différente aussi, complémentaire ou stimulante à la sienne.
bref, l’homme a besoin de temps , d’espace et de confrontation pour s’abreuver l’âme et le gosier. Un peu comme los toros.
Ce retour en terre de vic fut un délice.


Que sortent ( mais pas 12 ou 18 ! cela étant déjà arrivé, m’ a-t-on dit, en pays gardois ! l’ineptie ! ) tous les après-midi de grande corrida 6 exemplaires taillés au physique comme au moral tels « camarito » et « baraquero » (je sais plus de noms de taureaux braves que de noms de chats ou de chiens domestiques messieurs les amoureux des animaux ) et nous serons heureux, réconciliés .

Que sortent aussi de vez en cuando des taureaux qui divisent l’aficion, qui déboussolent les convictions pour mieux les étayer, qui donnent envie d’en savoir autant que les vaches dont ils sont les fruits du ventre généreux (manger leur herbe, lécher les poils de leurs progénitures, fouiller de la corne la pâte de leurs encinas, galoper à perdre sabots dans leurs champs pelés ou d’émeraudes …) et qui demandent que l’on se saoûle longtemps pour s’apercevoir qu’on est d’accord à s’en tomber dans les bras. comme ceux de fidel san roman du dimanche après-midi.

jean-luc m’avait glissé : « elle est grande, grosse et vieille ».
« qui ? » avais-je demandé.
« la course ».
ah, une matrone pour rassembler tous ces garnements de tertulia !
une maîtresse d’école revêche et armée d’une bonne règle en bois pour ranimer la guerre des boutons des tendidos !. Ça purge nos idéalismes. Ça saigne nos conforts de pensée. Tant que celui qui se met face à la marâtre est respecté par le public, ça aussi c’est salutaire. Et emporte le consensus dans un tourbillon qui m’enchante et me ramène un peu groggy vers mes pénates girondines…

Vous l’avez devinez . je suis sur le chemin du retour, mais un bout de luzerne entre deux lèvres teintées de mourvèdre et de manseng, je traînaille les yeux au vent. des taureaux dans la tripe.

* J’ai le regret de constater que cela se passe au pays de monsieur baylac dont j’ai toujours admiré la sentence, primordiale pour moi : tuer un animal en public est un acte d’une haute gravité. d’où sa parcimonie éloquente, réfléchie et assumée pour que rien ne le galvaude ou ne l’étourdisse.