dimanche 28 septembre 2008

Le coutelas


mario maya s'est désenchainé de la lutte que son corps de coutelas menait avec la ronce du cancer.
c'était samedi.
au même instant à séville, où le bailaor résidait ces dernières années, morante de la puebla n'a pu mêler l'interrogation de sa jambe contraire aux éponges de la terre parce que le ciel lui avait donné son chagrin en mouillant les rues, le fleuve et la maestranza.
la biennale a mis ses doigts sur la pendule de son rythme effréné et les aiguilles se sont arrêtées de compter les graines tombées du chant , des cordes et des coups de talons.
à grenade le clair-obscur des caves du sacromonte a cédé la place au rimmel nègre du deuil.
c'est là qu'un peintre anglais avait envoyé quelques dizaines de beaux billets issus de la vente d'un tableau où était saisie, dans la pâte d'une huile coloriste, la sorcellerie d'un maya encore jeune et encore mendiant de son art. pour qu'il puisse dormir, manger et apprendre dans ce madrid fécond où se trouvaient la fleur et la crème de la flamencura andante.
respecté et aimé, mario maya avait vu ses yeux s'embuer quand sa fille belen souleva un premier halo de poussière avec la pointe de sa robe pour le départ d'une carrière encore aujourd'hui au firmament des grandes bailaoras qui comptent.
ces mêmes yeux, ce sont eux, dont nous poussons tous une dernière fois les paupières pour clore ce regard d'oiseau, qui ne s'abandonnaient jamais aux rets de l'injustice ou de la fatalité.


ce regard on peut le voir sur le blog de daniel tellez dans l'intégralité du passage du film "flamenco " de carlos saura. regard, souffle, intensité. un jaillissement de ce que l'homme peut avoir de plus profond.
le coutelas a cédé. sa courbe s'est brusquement affaissée dans la rainure en ivoire qui est déjà creusée au départ de toute vie.
que en paz descanse, maestro.


nb
: le dessin est issu de la formidable collections de "dibujos flamencos" de miguel alcala dont on peut trouver la page web dans le " de jaleo" attenant.

samedi 27 septembre 2008

archipiels 12 bis ( a palo seco )



"trois par trois
comme autant de tercios de combat
igual que un ramillete de letras de cante
des archipiels pour gravir à la brume
la première pente des maquis poétiques.
une ascension au fanal de plusieurs nuits."


il sait
qui va profaner sa tombe
et la découdre

dans le temps infini des paumes
dans le roulement d’ un cercle
où se lève l'alliance des totems déclouées.

jusqu'aux lèvres
sa cadence
prend les couleurs brunies
d'un cheval de forge

chaque assaut
s'entrechoque solaire
aux abords
de ce bois sec.

(copla)


de tous les sangs mêlés
il connaît les ravins

où le chant calcine
les chromes du don de soi
avant le stylet des aubes

avant
que
l'enfant ne referme
la roche de ses yeux
par un écho languide. 

(romance)

il a sous le lichen des paupières
l'argent
de la crasse et sa peur

des cailloux
dans ses pores de lumière .

(taranto)


ludovic pautier (autopsie des chants profonds)


nb : sur la repro d'un argentique sublime il y a le haut de la carcasse de diego de los santos bermudez "rubichi" , malheureusement décédé en août 2007.
issu d'une branche de la grande saga des agujetas de jerez, ses deux seuls disques ont été produits par des maisons de disques françaises : "par le fer et par le feu" (ades) et "luna de calabozo" (naïve). ce qui honore l'aficion française.
pour entendre "rubichi" il suffit d'aller sur l'archipiel vidéo un peu plus bas.

archipiels 12 (a palo seco )

mardi 23 septembre 2008

Archipiels 11 ( A palo seco )


trois par trois

comme autant de tercios de combat

igual que un ramillete de letras de cante

des archipiels pour gravir à la brume

la première pente des maquis poétiques.

une ascension au fanal de plusieurs nuits.



le djin

vertèbre la nuit

et la sertit


de fil
cousu dans la bouche



il se glisse dans la rivière

du pied des ajoncs



(duende)




proie des lèvres
avec ses yeux crevés


d'un regard autour des mots

il pose des fleurs de serpette


en fragments sous la lave
froide.
( tercio )


aux berges des fleuves orphelins

ses bras desserrent le monde

ses mains libèrent sa fuite liquide


ses doigts de résine
cartographient

une tranche d'écorce


il dit :

la parole est crue du Gange


avant-source du Nil


marteau du Guadalquivir.

( falseta )



ludovic Pautier (autopsie des chants profonds)




nb : la repro (mauvaise) est une huile de juan gutiérrez montiel dont la photo n'aurait pas du se trouver là, sa peinture offrant sa présence suffisante. mais montiel est décédé en mars 2008 alors que je prévoyais de l'impliquer dans mes errements de musard de la langue aujourd'hui sans le savoir. c'est en faisant des recherches que je l'ai appris.

in memoriam, donc, gutiérrez montiel. va por usted, maestro.

samedi 20 septembre 2008

Falseta



le ciego a ouvert une annexe flamenca, comme une fontaine blanche dans la grande nébuleuse des ondes radiophoniques.


c'est sur radio campus bordeaux et l'enseigne clame : "falseta".



le flamenco dans tous ses états possède ainsi voix et voie de cité sur la région bordelaise mais aussi mas alla puisqu'on peut, de cochabamba à ouagadougou, le lundi de 21 h à 22 h, se connecter là :

http://www.bordeaux.radio-campus.org/Programmation/Stream.aspx


en fait "falseta " entame sa 5° année de vie mais la radio sur le web c'est plutôt une chance récente pour les radios associatives . d'où cette autopromotion par le réseau des blogs et de la toile.


dans l'émission vous retrouverez cette année des rendez-vous réguliers tels que :

la baraque du duende. une heure dont le compas s'articule entre la nudité de texte lus et l'épure des chants profonds.

el mano a mano. une heure avec un(e) invité(e) qui vient parler ou jouer de rien , de tout, d'un livre, d'une oeuvre, d'un spectacle, d'une guitare, d'une passion, d'une plat doucement mijoté, d'un liquide, de son potager secret, de son travail, de son asso, de ses révoltes, de ses coups de gueule ou de fatigue, de ses rêves...le tout lié par le fil rouge et jaune (et mille autres couleurs du globe entier) d'une hispanophilie certaine.

le reste du temps. là, c'est tout ce qui fait le sel des alentours du flamenco et de ses corollaires : nouveautés discographiques, petits et grands évènements du mundillo, histoire des chants, de ses créateurs et de ses interprètes, annonces de spectacles divers et variés ou de juergas
improbables...

et voilà...
alors , par quoi on commence ?


la première émission, la zéro de l'an 2008/2009 , a eu lieu la semaine dernière et la prochaine accueille donc, après-demain à l'heure dite, alexandre fernandez, professeur d'histoire à la fac de bordeaux, pour le premier mano a mano de l'année.



alexandre a publié chez armand colin une somme très bien étayée et pertinente de l'histoire contemporaine de l'espagne intitulée sobrement : "les espagnols". le sous-titre est un peu plus explicite puisqu'il précise :"de la guerre civile à l'europe".

c'est une analyse fine et engagée des passages vers les identités (économiques, politiques, culturelles ...) multiples que les espagnols ont endossé ou voulu assumer au travers des années du franquisme puis de la démocratie et enfin de l'entrée en europe.

alors certainement que nous creuserons avec alexandre ce qu'il a écrit pour la 4° de couv' :

"l'espagne aurait-elle fini d'être "intéressante"? loin de là.
ce pays n'en est pas quitte avec les défis."



le défi d'eduardo arroyo por le disque "jazzpaña"



deux cositas mas : comme tout mano a mano requiert un sobresaliente, nous serons accompagnés de jean-jacques cheval, enseignant,chercheur , spécialiste international de la radio, aficionado au blues et au cante et avant toute chose : un ami commun.

bref, on le voit, du beau monde pour faire vibrer la première corde de "falseta".

pepe habichuela et un jeune falsetero

surtout que l'émission sera ponctuée de morceaux choisis pour représenter , sans exhaustivité, cette histoire contemporaine au travers des mutations musicales du flamenco.

on y entendra ainsi naranjito de triana, manolo caracol, porrinas de badajoz, antonio mairena, enrique morente, jose menese, camaron, las grecas, los chichos, manzanita, los chorbos, martirio ,smash,la pata negra...enfin, si on a le temps. mais on s'essaiera à la qualité !



Martirio , une des égéries du flamenco décalé de la movida
à écouter lundi soir

nb : l'en-tête du post est un extrait de partition retranscrivant une falseta de solea.

mardi 16 septembre 2008

Le duende comme une femme (nicolas vargas)





au comptoir

ici

la parole de chacun

peut résonner



celui qui monte devant vous

sur une simple chaise en nickel

est un poète



il s'appelle nicolas vargas. vargas de la capilla.

il a gratté l'exil. il a trouvé les anciennes fontaines

et les murs blancs de chaux

d'alconchel




alconchel (province de badajoz) le pueblo et le castillo de miraflores





les derniers cailloux cachés

sous les alpargatas*

de son père

lui sont tombés

dans la besace de la langue

quand

il a secoué

la mémoire des mémoires




tout d'un coup

le garlochi*

qui battait sous sa poitrine

a décelé la présence de globules gitans

qui allumaient une juerga*

près du sud des veines caves :



comme autant

que

40 vargas inscrits

au diccionario enciclopedico illustrado del flamenco

de blas vega et rios ruiz

...

tomas vargas suarez " el nitri " avec la llave del cante



alors il a scandé cela :



EL DUENDE COMME UNE FEMME



Venga Duende
de je ne sais où
mais je sais
caché
le pas fiévreux, résonnant
dans la gente
alors
déraisonnée
jusqu' au bout des gouttes
jetées
comme du mal
salées
sur l' argile
ton argile
ridée, de vieille belle
et la gente alors
c’est des arbres fous





Duende
où je rappelle au vent curieux
comment tu les as fait jouir
tes peones amoureux
locos
arracheurs de ton feu
de ton souvenir
une corde pétée
sueur le corps
: toujours




Anda Duende
l' olivier andalou
dans ta longue tresse arabe
de l' Aguadiana
qui pousse dans nos sangs
et les je-nous qui cognent
duende


los pitos et ton flamenco gitan à son tour
je pleure ou qui rêve
ce n'est pas ma vie ce sont les tiennes
que je poursuis aveugle
en fumées
ce papier part
vengamos Duende



Venga Duende

je veux te sentir traverser
comme un toro de lidia
la guitare du trottoir
el cante jondo del Lebrijano
las palmas impudiques
el jaleo qui renaît, c' est un matin




venga Duende
en mémoire, un voyage
des flammes aux fossés
un mouchoir blanc
y un zapateado sur la lune de la flaque de vin
à en éteindre tous les feux
venga Duende



travailler à la vie
me retourne

encore
con insolent
dernières marches de sable
les jambes s' enfoncent
répètent Duende ...
le pédiluve, la société
me ramène
ou me noie
déjà loin de ta jupe
noire à l' infini


dernières marches de sable

enfant rêveur
trempé …


souvenir

del Vargas Jeredias
Rey de la raza cale

Duende ?


nicolas vargas


*alpargatas : espadrilles

*garlochi: coeur en langue cale (gitane)

*juerga : fête

mercredi 10 septembre 2008

depuis dimanche


depuis dimanche, dax.

sur les lèvres et sur les écrans.

le ciego n'y était pas malgré son morantisme revendiqué, assumé et point.

j'ai préféré partager un chateau simone, le seul de l'appellation palette.

j'ai plutôt décidé de participer à la mise en conserve des légumes du solstice pour les savourer jusqu'aux équinoxes.

j'ai soulevé la couverture prémonitoire d'un livre de bruno latour ( "nous n'avons jamais été modernes" éd.la découverte)

c'était bien.


ce que j'ai lu de mieux et qui parle de ce que je crois c'est donc là.

c'est à partager.


sur morante :




sur l'indulto :




à propos du texte d'olivier, voilà mon commentaire :


peut-être as-tu trouvé là (l'incompris) le texte avec les mots qui méandrent au plus près des intériorités réflexives du toreo de morante.

et tu as raison, la recherche , la quête, la cime sous les nuages disparaissent des vertus aficionadas.

l'enthousiasme et les extases directes, ponctuelles, surchargées, pléthoriques et infaillibles sont plébiscités comme autant d'égoïsmes à noyer sous le délire des plaisirs collectifs.

notre veine c'est de savoir où se trouvent encore quelques illuminés de notre genre (sans jouer les maudits, je ne crois pas à la destinée).


à propos du texte de xavier klein, voilà mon opinion :


le texte de klein, parce qu'il dit d'un jet de lances excellemment écrites que ça suffit, est salutaire.

il permet de clarifier cette sensation de pertes des repères et d'y opposer non pas un front buté (on nous traiterait d'archaïques, de dépassés , de frileux ou d'intégristes ) mais une invitation ferme et allurée envers certains à se retourner et à observer comment ils mystifient leur monde , comment ils le régressent, comment ils foulent aux pieds ce qu'il sont censés protéger.


il leur dit : vous nous faites croire que vous êtes de votre temps, que vous avez compris comment ne pas mourir sous les coups de la modernité, du politiquement correct, de la pression médiatique, des défauts de la démocratie, en vous pliant devant tout cela, en acceptant d'en devenir les otages consentants.

grand bien nous fasse, dites-vous soulagés en regardant partir desgarbado vers le cajon de curas.

grand mal vous nous faites ! oppose klein d'un verbe tranchant et net, sans concession ni compromission, moraliste mais pas moralisateur.


que ce texte, chaque fois que vous le trouverez cité de manière tronqué, soit toujours présent in extenso dans nos mémoires et nos archives pour opposer aux dominants (tribuns de foules, n'avez-vos point honte !) sa vertu condensatrice de nos valeurs ( jamais dogmatiques mais souvent paradoxales , toujours mémorielles, précieuses et hospitalières ).


nb : le ciego s'essaie à la photo.

mardi 9 septembre 2008

La parole renversée sous la table


ça s'appelle poésie dans les chais et c'est à la chapelle de rousse, le plus bel endroit pour envisager l'espagne derrière la chaine pyrénéenne..


le jurançon c'est comme un conte d'une civilisation oubliée, riche et inventive qu'on raconterait aux enfants en âge de boire pour qu'ils ne s'endorment pas la nuit.

les chais sont entre les lisières des noeuds séculaires du gros et du petit manseng, de courbu parfois, accrochés à des coteaux comme de la lingerie sur des seins .

à cette période de l'année les feuilles exaltent la plénitude épanouie des vignes qui savent qu'elles vont vers la hotte et le fouloir.

c'est grouillant de fruits charnus et éclatants. on dirait qu'elles ont la parole.

précisément, ce vendredi et ce samedi qui s'annoncent, la parole, la palabre, la tchatche, montent de cette terre de pierres et de sables dans une biodynamie des mots qui se laissent percer par l'ombre de lune des insectes et des reptiles. celle qui élabore un jus de poèmes renversés sous les tables.

la poésie dans les chais c'est juste aimer l'envie d'avoir des oreilles en forme de gosiers.

dimanche 7 septembre 2008

Julio Robles

Les valeurs d'un fier idiot

un groupe d'activistes a profané la tombe de julio robles.

des centaines voire des milliers de messages venant d'un peu partout érigent cet acte immonde en fait d'arme. ils le soutiennent, crient à la mort de tous les toreros, applaudissent aux vies brisées de banderilleros blessés et se défoulent par le biais d'une prose scatologique, morbide et haineuse sur le net.

nous sommes, nous, les coupables d'aimer la tauromachie dans toutes ses composantes - du campo au desolladero-, traités de manière récurrente de nazis et de fachistes.

on nous traine par contumace devant des tribunaux dignes de ceux qui jugent aujourd'hui radovan karadzik pour crimes de guerre et génocide.

heureusement que michel fourniret a écrit avoir assisté à une corrida et qu'il en est resorti en exécrant au plus haut point la tauromachie comme ce fut dévoilé lors de son procés.

cela a évité que des tomberaux d'injures envers les associations d'anti-taurins, d'appel aux meurtres des présidents des SPA et de messages de félicitations à la prochaine profanation de la future tombe de brigitte bardot ne soient lancés sur la toile.

c'est idiot de faire partie d'un nombre de personnes ayant du respect pour certaines valeurs face aux démons de l'humanité, alors qu'il serait beaucoup plus simple et efficace de les trahir sous couvert de faire avancer des causes que l'on proclame soeurs de l'abolition des souffrances et de l'exaltation du respect de tous les autruis planétaires (ont-ils jamais lu les justes d'albert camus ?)

c'est idiot mais je suis fier de l'être.

nb : plutôt que d'avoir à publier une photo dégradante de la tombe profanée de julio robles j'ai préféré lui rendre hommage en mettant ce court rappel de notre mémoire aficionada.
va por ti julio , torerazo pa'siempre

jeudi 4 septembre 2008

le quartier


dans la rue ce matin, quelque chose a bougé. en face. trois fois rien, peut-être un peu plus d'épaisseur dans le bruit qui monte du premier petit dé noir. celui juste brûlant comme il se doit dans l'arrière gorge, encore empétrée sous les séquelles du plomb de la nuit qui s'estompe.
un petit peu de couleur aussi, aux fenêtres de la rue. avenida de la vida. callejon de la poesia. boveda del toro. celle des flamboyants et des camaïeux. qui dessille jusqu'aux pupilles ensuquées par le morose des habituels. le grain des propagandes. le pulsar faible des normes.

pourtant ma rue c'est déjà quelque chose.
des pas de porte allurés, des murs de pisé éclatants, des toits aux verrières spatiales.
et puis la gouaille. les invectives, le sang dans les muscles de la passion, le savoir du récit des ailleurs, les haleines gonflées aux épices...tout ça c'est aussi *.
pourtant, une saveur ignorée jusque là montait . une musique. à la pâte moulée dans les étincelles. un sabir précis et nait d'une langue qui sait traquer les gibiers à la lune moirée... c'était quelque chose, mais quoi ?

le rideau en tresses de cuir en face de mon antre se releva et je compris que, ô joie, le patron du bistro d'en face avait poussé les murs, rallongé le bois chaud de son comptoir et comptait déjà à son bord quelques habitués de ce quartier de résistants pour deviser goulument, avaler quelques tartines de manteca colora ou tremper, entre une saillie délicieuse et une ode frissonannte du dueño, leurs lèvres dans un moka revigorant.
et puis, un peu plus loin, un luthier installé récemment, polissait la tabla d'une caisse en palo santo. il chantonnait dans la douceur. juste pour le cercle des savants sans alphabet qui l'entourait. en frottant leurs mains caleuses pour échauffer le compas matriarcal, celui de la solea por buleria.
le jasmin tintait dans la poussière du soleil, le barrio se réveillait et déjà la nouvelle faisait le tour : ça tchatche chez le deck ! où ? ben ici :

et ça se râcle les cordes vocales chez pedro. vamonos !
allez, je fermai le bar et décidai d'aller éprouver ce rehaut de vitalité.
rien n'est comme une belle journée pour envisager la nuit.

* là, c'est les liens de la colonne de droite du ciego.
nb : la photo est (bien entendu il ne pouvait pas en être autrement olivier) une vue du callejon del agua de séville.

mercredi 3 septembre 2008

Anti palinodies


pour comprendre ce post il faut tout d'abord lire la chronique de la tarde des palha à bayonne samedi dernier sur campos y ruedos , chez deck ("toru aux toros" et "le rire des bayonnais"), ou encore velonero et chez terres taurines ou beuglot par exemple pour situer les réflexions qui suivent.

I

je ne crois pas que ceux qui placent cette course comme un grand et intense moment où quelque chose a remué les fonds des abîmes de nos passions disent qu'ils ont trouvé où sont le vrai, le faux ou la vérité. leurs textes expriment l'inverse de cela. c'est à dire , il me semble, une satisfaction d'être déboussolé par tant de force, de sauvagerie, de caste, de poder et aussi de sournoiserie, de mauvais lait et d'absence de lisibilité qui forment la jubilation de l'imperfection et de la déroute. ce qui fait que "el toreo es grandeza" (joaquin vidal).

II

qui aime le plus les toreros, la fonction qu'ils incarnent, que ceux qui comme eux disent leur fierté d'être au milieu de ce sublime déchirement : la bête ou l'homme ? mais une fierté humaniste et humble. sans grandiloquence et prétentions. bref, je me sens proche d'eux.
à l'opposé, ceux qui s'autorisent à détenir des dogmes et le proclament en verrouillant toute autre velléité à goûter de différents rivages, ce sont ceux, pour moi, qui , péremptoires, balayent d'un revers d'une écriture trempée dans une doxa empesée - soit en invoquant l'inéluctable fin de l'histoire soit en assénant des savoirs théoriques - nos doutes , nos hésitations, nos subjectivités et nos coups de coeur et de sang, le coup de dés, l'improbable et le frisson des tardes comme celles de bayonne ou d'ailleurs, de palha et d'autres. ils veulent étouffer l'improbable, ou alors ne privilégier que celui d'une certaine extase. la leur, bien formatée et rassurante qui joue des fausses épices et qui rend tout insipide et uniforme, comme ces sauces en sachet et ces bouillons lyophilisés qui recouvrent les suffisances des impéréties d'une cuisine vantarde .

III

Etre aficionado c'est encore comprendre que "irse a los toros" c'est mettre dans sa besace des ingrédients aussi protéiformes, hétéroclites, iconoclastes et déstabilisants que morante à bilbao, palha et cuadri, fundi, prieto à parentis il y a mille ans , curro vasquez à madrid, torrestrella et maria luisa à séville grande époque et manzanares padre, curro y rafael por toda la vida partout avec n'importe quoi. c'est une de mes éphémérides mais j'en passe, des meilleures, des diamétralement opposées et des semblables.
voilà notre foison ! mais , pour reprendre le titre du livre d'alain montcouquiol, si beau, dans le sens de la marche. et j'en reviens toujours à cette image de la quête. agnostique par essence, j'irai même jusqu'à dire recherche de ce qui relie les éléments d'une cosmogonie primitive. religion. mais je m'oppose quand même à toute utilisation stupide et fourre-tout de la spiritualité et autres paraphrases miteuses des intuitions d'un malraux cité hors-propos, par exemple.

IV

il y a quelques années, claude pelletier, lui , avait choisi d'écrire "je" à propos d'un corridon de fraile à bayonne :
"j'ai loué les fraile de 84, je me souviens de la race des gracilianos leurs ancêtres, je ne peux adhérer aux fraile de 86. trop, c'est trop".
il n'allait pas invectiver qui que ce soit : l'éléveur, les applaudisseurs d'arrastre, les bouleversés par la pelea aux piques...il disait "je comprends" et mettait la jambe.
on voit le chemin parcouru en travers et même à rebours.

V

je n'étais pas à bayonne.
je ne vais plus aux arènes autant que par le passé pour de multiples raisons. j'ai fait des choix, donc. je les assume. mais je me battrai pour que d'autres puissent avoir la chance d' en faire aussi et encore.
et pour cela il faut , je crois, des taureaux qui les permettent ces inaccessibles étoiles. et les étoiles, plus il y en a , plus le ciel est beau, plus il est vaste et interminable dans sa découverte et son exploration.

VI

à bas les jivaros de toutes les tribus des univers multiples de nos aficions !

Parce que

parce que demain il faut repartir au cambouis,
parce que laurent n'a pas vu de corridas dans le canal à venise,
parce que je voulais appeler le chat camacho,
parce mathieu nous a manqué au "botxo",
parce que j'aime hélène,
parce que de purusima y oro est une pluie qui installe un parfum,
parce que françois a le compas de sa rotule intense dans son sens du partage,
parce qu'il y a une piste où marie reste un peu pour toujours vers maputo,
parce que solymoscas a trouvé le chemin du fleuve rouge,
parce que christophe vit les yeux rieurs dans le vin,
parce que charly est un elfe mangeur de vers,
parce que serge est un multiple muscle de générosité y tal y cual ,
parce que guilhem a une étoile où s'étire des larmes de grand pomerol heureux,
parce qu'à marennes ta bouche sur ma bouche,
parce que pierre et françoise ont un coeur de vaste seudre,
parce que bruno souffle avec paco ibañez,
parce que c'était bon de chanter saôuls et serrés pas loin des hippocampes,
parce que lucas pouvait s'étreindre entre nos bras de chair et d' os enfin,
parce que la condesa sable sa prose du mica acéré d'un cante por derecho,
parce que loli ne m'oublie jamais,
parce que nicolas porte un nom dont j'aime l'odeur de cuivre,
parce que l'âme de michel est vif comme un point vert,
parce que sous les ongles de philippe et nathalie il y avait encore du sable d'égypte,
parce que daniel feuillette le duende pour en offrir la pulpe,
parce qu'alain veut revoir le taureau qui plisse l'arène avec son museau,
parce que bourda mettait du tempo près des braises,
parce qu'un livre est une vie,
parce que darwich psalmodie aussi fort avec sa bouche cloîtrée,
parce qu'il y a pour mon père un cimetière des fleurs et des mots maintenant

...