mardi 11 septembre 2012

Courzyvite, courzyvite


On dirait une accroche à la Yvon Audouard : " Librairie Teissier" ( spécialisée en ésotorisme certainement, attention livres sur écoute, lecteurs du 3° Décan fuyez ! ) / "11 rue Régale" ( "La rue du boxon de Nîmes sioûplait ?" " Ben rue Régale , bonhomme ") / " Tinto y aceitunas " ( même en Corée du Nord les vernissages font plus cossu, oui, mais ça sonne espingouin )...Pourtant je crois que si vous êtes dans le coin il faudrait y aller parce que " Ya portrait, Portrazo même, non ? ". Et si tout est de ce tonneau...
C'est Delon, et dans le Delon tout n'est pas bon - heureusement- mais rien n'est sans passion.
Sinon on peut commander un catalogue tiré à 40 exemplaires...pour en savoir plus cliquez là :
http://photosmotstoros.blogspot.fr/2012/09/jme-la-pete-grave.html


Sans faute non plus...courez aux deux endroits où seront exposées les transcendantales photos de Cazalis Carlos. De surcroît, sachez qu' à La Marmite on se restaure fort bien et on y boit de l' Elian Da Ros par exemple. Ensuite, rue Godin, Pfifferling  le magicien de L'Anglore , proposera un Rosé de José. le jeu de mots vaut ce qu'il vaut mais la chopine doit, elle, mériter son pesant de pur raisin.
Des taureaux, des toreros, du vin, des olives, des photos, de la bonne chère, des amis...profitons tant que tout ceci est encore constitutionnel.

samedi 8 septembre 2012

Ya estoy en Jeré donde se comen las papas enteras

Ca commence pas mal pas mal
à l'espagnole
Une petite clé dorée arrive sur un coussin affreux tenu à bout de bras par un loufiat rondelet se frayant un passage entre les invités
tout le monde au garde-à-vous
Paula prend l'ustensile et ouvre la boîte de Pandore
C'est parti

D'abord il faudrait des sièges
pour qui pour qui
Pour ces dames, ces dames là au fond , debout, je suis le seul à ne pas voir au travers ou quoi ? sont pas translucides pourtant.

Dans le in/in brou/brou
Ils apparaissent
ces fauteuils bleus capitonnés pour augustes fondements de parador's VIP
Rafael les a convoqués, "convocatoria" il le dit
pour qu'ils puissent accueillir les fesses qui doivent se serrer devant tant de regards tournées vers elles, elles les danseuses épouvantaillées en peluches sévillanes, on les avait laissées derrière , elles doivent danser après, pendant le gros dîner, elles ont voulu voir le Maestro, ce gros monsieur pas rasérasé, il est sublime il les invite personne n'y avait pensé on va pas faire se vautrer le petit personnel non mais
Ah elles ont vu
et entendu...

Bueno
poum
les mains tapent un peu sourdement le rebord de la table de séance
si je suis venu c'est parce que j'ai voulu
pas parce qu'on me siffle comme un chien et j'accours
ça jamais
Ni toi chef du Parador decorum
Ni toi
Mairesse toutou des adjoints
qui croit qu'elle commande
Parce que c'est moi
que les gens viennent voir
peu nombreux, c'est un fait mais
Bueno
poum
Ah le peintre
le peintre
Que si Dieu te prête vie
au moins qu'il te reste du temps pour apprendre
à peindre
à peindre bordel de cul
Là c'est des fotografias, de la repro qui surfe sur le concept qu'on ne trouve qu'en partie dans la sphère des taureaux : le peintre taurin, c'est comme les marines du port de Capbreton mais c'est plus cher et plus chiant.
Vd no es pintor
première vérité,
Et de ce livre je ne veux même pas en parler
rien que le titre et ça y est, je ne veux pas en parler
On ne déguerpit pas
on n'est pas acclamé
on est dans l'extase
et le bruit est à l'intérieur de soi, bronca torera, si seño'
Alors ce titre pervertit ce livre, la editorial muy mal d'avoir essayé d'enfiler ça par les trous de l'intellect diafoireux
Mon fils pardon mais c'est comme ça
c'est comme ça
Je suis venu pour ça , vous dire ça
et pour ça :
la convocation
Je plie la lettre en 4 , en 8, en 12 si je pouvais je le ferais
la clé en toc je vous la laisse
d'abord rien ne va  plus et tout est faux
je vais rentrer
parce qu'à Jerez
c'est là  où on mange les patates entières
Et voilà.

Quelques rires contraints effritent la pâte de stupéfaction montée dans les pognes du silence du petit nombre venu voir Paula , et comment va-t-il , il a encore pris du poids, c'est bien de lui donner en premier à lui la clé de Ronda, il pourra peut-être en tirer profit, il a des ennuis financiers, toujours, toujours...les gitans...ouais, les gitans, ouais t'as raison

Il a dit pas d'espantada
il prends sa canne, son baston de mando
se lève
regarde
et se retire
La caméra ne le zoome pas, on le voit passer entre deux piliers trois plantes vertes
chacun reprend son rôle
Personne n'a remarqué qu'il se barre avec la serviette de toilette du Parador de Ronda autour des épaules ça doit valoir au moins cinq biftons de cinq à la tienda de l'hôtel...
 "Sacred monster" aurait dit Orzon Güe,
Monstre sacré,
cosas de Rafaé.

Nb1 : c'est pas le buzz c'est The video de l'année.





samedi 1 septembre 2012

Lettre à soif ( A la vuelta con Alberti )



Au Puerto Santa Maria, les rues se croisent à angles droits en longs corridors où le soleil fond sur les murs. Les caves dynastiques des faiseurs de vins salés et de liqueurs anglaises ont aujourd'hui la lèpre craquelée des splendeurs anciennes. Osborne, 501, Gutierrez-Colosia, Terry, Grant...se visitent derrière le cordobes et le pas d'un montreur de tonneaux comme autant de singes en bois cerclé, dans l'atmosphère folkloriste d'un roulement de castagnettes, hembra y macho. De la séduction bien organisée, aux mollets lisses dépassant pile-poil de la jupe à ronds de lune. Modernisme et tradition préfabriqués.

Il y a pourtant , embastillée calle Zarza, un lieu où affleurent encore les sirènes et même les fantômes un peu effrayants de la bodega véritable. Le sol est imparfait, les affiches encroûtées. Un solitaire, dignement éméché, s'est adossé près du cartel où les prix sont écrits à la craie et regarde la main du tenancier qui ouvre et ferme le baril où dorment les élixirs. La vapeur de moût presque cuit barbote nos sens. Elle reste sur la peau même quand on la lèche une fois ressorti. Au fond , un catavino bien juteux de manzanilla à la main, on butte sur la pénombre, un grillage surveille la maturation dans le chais profond... c'est là que la capataz "peigne le vin" nous apprend-on. Par Bacchus ! que c'est beau et mystérieux. On y boit aussi de la bière glacée, quelquefois on s'y délecte de délicieuses berzas lourdes de chicharos con habas. On voudrait être né là, avoir passé sa jeunesse les yeux et le nez dans la houle des buveurs et des négociants, dans le run run des tertulias autour des barriques renversées, sous les auspices d'une fraîcheur abritée par les toits si hauts quand on revient de la pêche aux anémones de mer, les ortiguillas. Et on aimerait y finir ses jours, un dernier soupir dans l'éclat d'un bouchon qu'on décalotte, sa vie accomplie en mille brisures de paradis perdu que le retour au chais de l'enfance rassemble.


Passe un ange, avec une casquette et une chemise de marinier. Il vole entre les jambes des habitués et des touristes égarés. Une voix lui court après : "Rafael ! Rafael !". C'est lui, Alberti, le grand poète politique de l'Espagne meurtrie, né ici au Puerto. Il pêche encore son âme avec les cannes de son utopie. Bientôt il devra renoncer, arraché à sa mer par les tremblements qui s'annoncent et qui le conduiront à l'exil. Pourtant il retrouvera ses bords d'Atlantique et ses vagues mourantes à l'âge où les cheveux eux aussi se chargeront d'écumes.



Peut-être a-t-il alors, Rafael Alberti au soir de sa vie, franchi le seuil d'une Bodega identique à celle d'Obregon, Calle Zarza, pour y réciter de sa voix pacifiée ce morceau de poème écrit à 25 ans : 

"La flor del vino, muerta en los toneles,
sin haber visto nunca la mar, la nieve.

La flor del vino, sin probar el té,
sin haber visto nunca un piano de cola.

Cuatro arrumbadores encalan los barriles.
Los vinos dulces, llorando, se embarcan a deshora.

La flor del vino blanco, sin haber visto el mar, muerta.
Las penumbras se beben el aceite y un àngel la cera.

He aqui paso a paso toda mi larga historia.
Guardadme el secreto, aceitunas, abejas."

(extrait de "El angel de las bodegas" in "Sobre los angeles")

Si c'est le cas, il est certainement reparti réconforté, avec sous le bras, une quille de cette Manzanilla...



...coulée directement de la bota, l'étiquette collée en un tournemain par un jeune portuense. Lequel s'est demandé qui pouvait bien être cet abuelo marmonnant dans la cour de derrière, entre les vieux tonneaux.

A tod@s, Salud y Libertad.

Nb : Ce texte a d'abord été écrit pour le blog "La solitude du chorizo" auquel j'ai l'honneur de collaborer et qui est tenu de main de maître par Eugénie (cf colonne de droite). Ses recettes et sa connaissance du vin et des vignerons qu'on débusque -à rebours du ronron imposé par la GD, les Nicolas et autres sempiternels vendeurs de vins en rond - font merveille.