dimanche 31 août 2008

trensacq stances (archipiels 10)


j'avais quelque peu délaissé les archipiels.

sous l'impulsion de l'évocation de bernard manciet, ils resurgissent.
dans un texte écrit quelques jours après sa mort. juste dans les foulées d'un coup de fil à l'ami qui avait partagé ces derniers mois avec le poète. il pleurait seul sur la route qui l'emportait vers un autre sud.



A Bernard Manciet


1
le verre est brisé
toute son écorchure
vers la terre
dans son goutte à goutte
cours à ta bouche
tu meurs
quand les brasiers
se courbent
2
que parlent nos émois
en te liant les mains
que ta coulpe
reste sarabande
membrane de nos langues
claires et noires
je voudrais retrouver
murmure par murmure
la poussière
te donner
chemin dans la suée constellaire
nos argiles
car je ne sais rien de plus
tu es parti dans tous les feux
alors calmes
nous mettons ton linceul
sous carapace d'étincelle
une grève de sable rouge
habille tes lèvres closes
3
crieront-ils ton nom
les aliénés
atteindrons-nous ta flèche
sous la plaque d'étain
des éléments bruts
ce soir
où rien n'est immobile
les lauriers appellent de ton terrritoire
à une renaissance olfactive
4
la vasque de ton corps ne s'est pas rendue
à l'aurore
elle est restée ta demeure
estuaire corrosif et limoneux
la mériter serait la meilleure des veilles
5
oh oui veille veille
d'un feulement préviens-nous
qu'il soit entendu au travers
du moindre de nos sens
que ton souffle s'appuie
s'enronce
au rivet du sépulcre
le seul gardien sans bottes
toi
éperonnant nos flancs
destinés au perdreau du silence
6
nous avons appris à traquer
les orbes
jusqu'au dernier sable
par pure jubilation
dans le jeu des espaces
nous avons empli
la lèvre
d'une palpitation permanente
et pas une alerte
n'a manqué au fanal
nous avons connu la dissipation
de nos brumes
ta frêle échasse
s'inclinant
et donnant des cairns
à claires-voies
nous avons promis de célébrer
la tessiture des combats
les proches et les lointains
de téter la lune en plein jour
de bivouaquer à chaque solstice
près d'un feu âpre
et d' être fidèle
à toutes les hémorragies
nous avons chanté la pierre
où s'arrêtaient les ombres
où nos mains tremblaient
de saisir le monde
7
ta vie s'expulse
dans une seconde
à perdre
chaque dernier pas
en renvoi
des glacis de fêlure
d’une exhalaison
cousue
sur un fil
de la soie des araignées
il y a comme un enfantement
brutal
8
tu as proféré ta langue
en claquement de fouet
jusqu'aux pavois
de notre hébétude
jusqu'au départ
devant le catafalque
tu as bu
remâché toutes les astringences
jusqu'au cœur des étoupes
tu as joui de la silice
dans le vent
tu ne voulais pas scarifier la lande
mais rendre son éther
d'une épaisseur plus violente
tu es devenu gorge de gerfaut
buveur à la racine
des sèves tantriques
de la fougère
du pin
de la molinie bleue
9
le ciel crache
des prières
tu avales
leur océan
l'ornière est
ta messe de gravier
et ce tombeau
d’un sable presque
transparent
prise la forme du désert
dans ta tête allongée
10
même sans t'approcher
je ne sens rien d'un épuisement
tu gardes vie
pour cela
nous jetterons
chaque fragment de ta peau
jusqu'à chaque bout d'ongle
pour que tu halètes
dans la paupière du monde.


ludovic Pautier (trensacq stances)

jeudi 28 août 2008

per/por/pour ...


colmenar viejo.
30 août 1985.
la corne droite du taureau "burlero" de marcos nuñez épingle sèchement un coeur de 21 ans. celui de jose cubero "el yiyo". cela, alors même que l'épée du torero lui transmettait implacable sa foudre.
la blessure fait comme une lèvre dans son dos mais c'est de sa bouche qu'il balbutie des mots pour son peon : "pali, celui-là m'a tué".







le 3 juin 2005 l'écrivain bernard manciet ferme les yeux une dernière fois à l'hôpital de mont-de-marsan en laissant sa vie et une oeuvre considérable qui s'écrit (des manuscrits surgissent régulièrement) encore aujourd'hui.


entre-temps le poète avait salué le jeune homme d'un texte travaillé dans une langue giboyeuse et ordonnée telle une tragédie antique. il y a le taureau, l'enfant, le choeur mais aussi l'ainé, le mort et les mouettes. l'oeuvre , "Per el Yiyo", est cosmique. des eaux les plus souterraines au ciel sans fin, deux vies, qui sont destinées à un affrontement, se brisent l'une contre l'autre. bernard manciet approuvait ce combat et le justifiait en ces termes :

"La tauromachie garde quelque chose d'important : ce qui s'appelle la grandeur. Celle de l'homme et de la bête. C'est un des derniers refuges pour un siècle qui manque de grandeur. Le taureau est un grand seigneur et le matador aussi. Je dis matador parce que ce dernier tue. " (revue le matricule des anges/1997)

il met en avant une des valeurs portées par les deux protagonistes présents dans un ruedo et s'en tient là. c'est ce qu'il conçoit quand il pense, qu'il ressent ou qu'il voit la tauromachie. avec des propos sans afféterie. sans circonvolutions pour se pseudo-justifier intellectuellement.
je l'ai toujours entendu ou lu ainsi.
par exemple sur la langue occitane dans laquelle il écrivait et qu'ensuite il traduisait lui-même en français (ne laissant jamais non plus s'éditer l'une sans l'autre) , il a dit :

«Je me suis rendu compte, en me traduisant en français, qu'à une langue fait défaut ce que possède l'autre" ( revue oc 1959 )

et il précisait cela parce qu'il avait juste auparavant fourbi ses dagues contre ceux qui auraient voulu le déguiser en chantre de la langue gasconne :

«Je ne suis pas régionaliste, au contraire. Je me bats depuis quarante ans pour empêcher que ce travers qui consiste à enfermer la culture occitane ne devienne un vice. Je n'ai pas besoin de l'Occitanie (...) Je n'aime pas être propriété de quelqu'un. Propriété de l'Occitanie, je ne le serai jamais, pas plus que celle des Français ou des Espagnols. Je vais mon chemin, qu'ils me laissent tranquille. Je barre droit. S'il y a des tempêtes on verra bien.» (le matricule des anges/1997)

il faut tout de même préciser que jose cubero naquit à bordeaux, sa famille ayant pour un temps émigré là pour des raisons économiques.
à cette époque, le père du yiyo entraina au toreo de salon ses fils et un certain nombre de practicos français pour ce qui fut certainement la plus éphémère et prestigieuse (sans le savoir aucunement, c'est ce qui est magnifique) école taurine de l'hexagone.
manciet connaissait tout cela et le choix de ce torero ( paquirri mourut juste un an avant alors qu' il était au sommet de sa gloire ainsi que très apprécié dans les arènes du sud-ouest par exemple) n'est pas anodin.

donc, en ce 30/08/08, afin de rendre hommage au yiyo qui fut un des toreros de l'enfance de nos aficions, voyons, ce chemin. voilà ce que poète y a laissé :

"tu seras le taurau et je serai l'enfant
tu seras l'enfant et moi le taureau
les houppes je serai et toi mes tonnes de peur
tu auras peur de moi le soir
j'ai toujours tremblé pour un enfant
moi le taureau je t'aimerai et tu t'en riras
tu m'aimeras pour rire

et mes yeux riront de la mort car c'est étrange
de mourir pour un enfant pour un crochet de lis
dans mon béton de nuit
je serai l'orme et toi la vigne qui retentit
les guirlandes applaudiront
lorsque la peur applaudit autour du coeur
peur d'une lune affûtée

que je tiens dans mon poitrail
et qui se lève dans mes entrailles mes treilles
-elle les parcourt sans bruit-
et je la porte au-dessus de mes yeux aveugles
aveugle de toi car d'un dieu
qui ressemble à la neige


j'ai l'esprit plein de flocons
toi la balance dans mon poitrail
je te bercerai sur mon front
comme une prairie violette
toi mon chargement de fleurs sombres
mes cornes comme un halo à ton Kir
toi ma charge de martinets criards
mon cuir : la nuit- et toi le rabâchage

des Hauts de la nuit
j'ai longtemps attendu ton lever de lune
comme une déception
j'ai lu tous les mauvais astres
assoifé de défaites fraîches
jai bramé aux remuemments d'en haut et des lieux bas
pour l'amertume de toi seule amande

sur mon garrot tu fais déborder
le vin dans tes torches le bol
dans ta jeunesse et je lui vais au centre pour le pétrir et réjouir
cruchade noire et cognassier étoilé de coings
je serai de tes coings inondé
et des heurts ta voile s'épanouit
fiançailles de cygnes

sur la brouette de mon dos tu poses l'horoscope
des esprits vifs comme une corbeille
comme des mâchoires de tenaille-tu seras
la branche d'osier étoilée
je serai les tenailles de ton coeur frais
fiançailles des signes dans le ciel
je viens assurément des mauvaises étoiles au fond

j'ai dormi parmi elles

elles m'ont brûlé le cuir de leurs idées fantasques
dont me voilà tison bloqué
et je luis foie étal
tout puissant sur les enfers respirants
des fleurs charnues et leur garance
j'y rêvai la langue recourbée
ta viande neuve en rond

mes poids d'horloge surent y danser
vers tes espiègleries-cime de l'olivier
-toi espiègle de dieu"


("Per el Yiyo" éd. l'escampette/1996
début du texte. première prise de parole du taureau)



nb : ce texte est fait pour le théâtre, ou du moins pour une lecture mise en scène.
jean-louis thamin l'avait proposé en 1997 au théâtre du port de la lune avec trois acteurs/récitants. personnellement je n'avais pas été convaincu.

depuis, plus rien.

un souhait donc. que quelqu'un essaye de le remonter pour faire encore valoir la langue de manciet au travers de cette célébration " poémachique".

nb2 : à propos de tauromachie, manciet a aussi honoré la landaise puisqu'il a écrit un splendide "Rachou" (éd.atlantica/2002).

nb3 : la photo de bernard manciet en n&b est de pascal fellonneau.
le monument est bien sûr la sculpture en hommage au yiyo qui se trouve devant les arènes de madrid.

dimanche 24 août 2008

Un dimanche au zinc



dimanche.

finalement je ne monterai pas à morlanne vers 18 h. pourtant... le retour des fuente ymbro en novillada.
la vie a ses péripéties. comme dans les ruedos.

occasion donnée et rêvée au ciego de poser au coin du zinc quelques noticias diverses et éparses, mises sous le comptoir un jour, mais qui peuvent s'avérer de bon aloi à grappiller.

a ver, señores.

terry gilliam est un grand monsieur. plus d'une centaine de centimètres en peau de vieux python. avec un idée fixe et géniale : adapter une des oeuvres majeures de la littérature universelle, c'est à dire le dernier livre de josé frèches.
.
.
.
ça part mal.
non, i'm joking.
en tout cas, souhaitons que le graal soit sacrément avec lui pour la reprise de ce qui se transforma en déroute il y a de cela maintenant 8 ans.

mais terry a plus d'un tour dans la manche et il n'est pas du genre à faire triste figure pour autant. ça y est...vous y êtes ? alors le lien pour en savoir plus c'est par là.

nb : le portrait est une copie d'une illustration de antonio saura pour une édition du quichotte.





enrique morente a voulu, après que de son côté le cigala l'ait vu dans ses yeux, apporter son tribut à la fascination qu'exerce encore la personne du malagueño le plus génial qui soit, don pablo picasso.


l'opus s'intitule "pablo de malaga".


en fait, morente a "aflamencao" des textes , des poèmes , extraits de l'oeuvre écrite du peintre. car, plume en main, picasso fut prolifique . et démolisseur des codes, bien sûr. ni dadaïste, ni surréaliste, tout à la fois quand même et novateur aussi :

"Yo he nacido de un padre blanco y de un pequeño vaso de agua de vida andaluza yo he nacido de una madre hija de una hija de quince años nacida en Málaga en los Percheles el hermoso toro que me engendra..."

sexe, gastronomie, enfance, toros, malaga, guerre, clergé, españa negra... voilà les toiles de fond de l'expression de don pablo sur la feuille blanche quand il ne pouvait pas ou ne voulait plus peindre, au gré des vicissitudes de cette vie qui traversa un siècle.

à ce propos il aurait d'ailleurs déclaré qu'il considérait avoir consacré un temps équivalent à l'écriture comme à la peinture. il aimait aussi à dire que son épitaphe pourrait se libeller ainsi dans les temps lointains :

pablo picasso : écrivain et auteur dramatique espagnol. on conserve de lui quelques peintures !!!

(source enrique mallen. ce site est une mine , fruit d'une titanesque mise en ligne des "writings" etdes "paintings"du maître. foncez-y, c'est ma dernière découverte et c'est extraordinaire).


en français, c'est la somme indispensable publiée en 1989 chez gallimard par marie-laure bernadac (aujourd'hui chargée de mission sur l'art contemporain auprès du musée du louvre) qui fait référence ("Picasso, Ecrits" 340 poèmes et deux oeuvres de théâtre, préface de michel leiris, pas rien).

auto-portrait de picasso attelé à un de ses manuscrits


et d'ailleurs, maintenant que j'y pense, on l'a peut-être oublié, mais le jazzman aficionado jean-marc padovani (une de ses galettes s'intitule "nimeño") enregistra en 1988 un disque, "tres horas de sol", où il mettait déjà en musique (fusion jazz/flamenco) un texte taurin de picasso extrait de"salen dos carros" écrit en 1959.

il récidiva en 1989 avec un hommage seulement instrumental cette fois : "one for pablo".

good trabajo jean-marc.



picasso avait horreur de la guerre. il l'abhorrait. de toutes se pores. ses textes le montrent. enrique morente a choisi de poursuivre cette voie en construisant, autour des mots du peintre, un morceau qui s'intitule "guern-irak".
alors, au mois de juin dernier, pour rendre hommage à la ville crucifiée par l'aviation nazie et célébrer son émotion devant l'oeuvre majeure du peintre, le cantaor signa une grande prestation dans le jai-alai du village guipuzkuano le plus malheureusement fameux du monde. il dédia cette noche de cante à toutes les populations civiles qui subissent les exactions de toutes les armées du monde.

nb :il y a un lien à droite, dans la rubrique "de jaleo" , qui envoie sur le site: letras + flamenco de david tellez et qui permet, en furetant un peu, de tomber sur un extrait du disque du maestro grenadin afin de commencer à le savourer avant que de se le procurer.


enrique morente au jai-alai de guernika au mois de juin dernier


tiens, à propos des rubriques de droite. dans "de copas" , deux nouveautés :

-malaka : l'aficion malagueña observe, commente et met en ligne sa vision de la feria du coso de la malagueta. c'est intransigeant, subjectif et souvent très drôle. et permet de constater que tout ne va pour le mieux dans les arènes de première catégorie andalouses.
voyez un peu :


"Señor Pastor, jefe y mandamás de este blog, debe recomendarme con urgencia a un psiquiatra de su confianza para que me quite un raro trauma: No me atrevo a sacar a pasear a mi perro, todo un señor, por temor a encontrarme con el Tato que lo quiera meter como sobrero. Dicen las malas lenguas, que a eso de las dos de la tarde, sale el Tato al cercano parque de Málaga, provisto de un lazo y un puñado de sardinas a cazar gatos que puedan pasar por los más terribles toros que vieron los siglos."

señor pastor, chef et plus encore de ce blog, doit me recommander auprès d'un psychiatre de sa confiance pour qu'il m'ôte un traumatisme des plus inédits : je ne me risque plus à sortir mon chien, qui est un beau morceau, pour le promener parce que j'ai très peur de croiser "el tato" (veedor de la malagueta) qui veut le choisir comme sobrero. les mauvaises langues disent qu'aux alentours de deux heures de l'après-midi, le tato se dirige vers le parc de malaga, pourvu d'un lasso et d'une poignée de sardines pour chasser les chats qui pourraient passer pour les taureaux les plus terribles qu'on ait vus depuis des siècles.

pas très lyrique, soit. mais vaudevillesque à souhait.

- tercio de varas : alors là, si c'est là, c'est pour trois fois rien : l'intitulé du navire, le choix de frascuelo en fond d'écran et les photos incroyables du faraon de camas toreando por veronicas. c'est trois fois rien, on le voit, mais c'est déjà beaucoup. assez en tout cas pour avoir un lien ici.

enfin, pour ceux qui voudraient accompagner
manolete dans les derniers sillons de sa vie taurine et extra-taurine tout au long de cet août à l'issue tragique, je leur conseille de monter sur le siège du coche de cuadrilla où nous embarque la condesa de estraza dans son de pezon a rabo pour un tour magistral mais fatal.

bonne route.




repro d'un collage de jean paul chambas tiré de son petit livre chez actes sud sur manolete et malcolm lowry











vendredi 22 août 2008

Ce qui








ce qui est émouvant dans un havane c'est sa cape façonnée par des doigts qu'on imagine aussi bruns et mûrs. des doigts d'un peuple qui croit encore à sa liberté, celle qu'on lui a toujours promise et qu'on lui soustrait comme un drap de serge rouge se dérobe à la volonté d'embestir d'un taureau brave.


ce qui est laid dans une arène comme bilbao c'est la vergogne style "il n'y a pas de petites économies" avec laquelle on laisse sortir en sobreros deux vilaines bestioles , aux idées de combat aussi mal développées que les cornes qu'elles portent.


ce qui est bon dans un chicochica * c'est ce mélange de douceurs anisée taraudée par l'impavidité du fouet de l'alcool sec.



ce qui laisse un goût décomposé dans la bouche c'est ce sentiment qu'un torero cherche une competencia aux quites pour la grandeur de la fête sauvage et qu'un premier compagnon de cartel lui renvoie sa morgue et qu'un second ne fait même pas semblant de ne pas être là.




ce qui est fort dans une vie c'est ce rayon qui ne cesse et qu'on peut appeler amitié, amour, partage, connivence, intelligence, rire, solidarité, empathie, soutien, indéfectibilité...


ce qui est désespérant pour une vie d'aficionado a los toros c'est de subir ces avalanches de ganaderias qui charrient au lieu de distiller, qui commercent au lieu d'offrir, qui plastronnent au lieu d'épurer, qui sont soumises au lieu d'être rebelles, qui uniformisent au lieu de rendre curieux, qui amoindrissent au lieu de grandir




ce qui forge l'envie de ne pas laisser tomber la quête c'est la forme de tout ce qui semble habiter le toreo de morante. les doigts qui palpent la percale au plus près de l'esclavina. une manière de vouloir incorporer le tissu jusqu'à la trame. la catalyse d'un toreo de limaille qui fait s'allier fragilités, scories, force et intemporalité. chant magnétique de la puebla del rio.




ce qui désepère et fatigue dans cette même quête c'est ce faire semblant de croire que castella veut laisser son corps quelque part sur le sable et ne pas rentrer à l'hôtel pendre à sa bouche un cohiba robustos, poser entre le majeur et l'annulaire un ballon de chinchon sec troublé d'un trait de doux, refermer sa paume autour de la matière tiède du verre avec en paravent les volutes aigre-douces du cigare et simplement avoir envie d'écouter la voix de ses frères humains.

























* chicochica : spécilité cieguesque qui doit beaucoup à sa fréquentation du sublime faiseur de mélanges alcoolisés jean-pierre "don congelador" sodore. o sea : un long trait d'anis sec suivi d'un trait plus court de doux. ou inversement. un cube de glace me semble indispensable. mais chaque fou a son thème.


nb : je crois que morante de la puebla doit, s'il réitère une saison d'assez peu de courses comme cette année (ce qui est rès bien), sortir de la glue de ce mundillo qui empeste et se tourner vers un choix d'élevages qui garantiraient un sceau autrement plus digne et intéressant pour sa tauromachie qui, toujours selon mes supputations, est conçue pour "aguanter" autre chose que les sempiternels macdomecq. sinon, toujours selon mon sentiment, cela pourrait tourner à l'écoeurement . de notre part. et de la sienne aussi.


nb 2 : si c'est cette fiesta-là qu'ils veulent (qui ? leurs patronymes ne n'intéressent pas. ce qu'ils nous font subir, oui) je crois qu'il faudra à terme assez court se passer des aficionados. enfin, de ceux qui ne sont pas formatés pour prendre des vessies de couleuvre pour avaler des lanternes.

nb 3 : les photos de morante de la puebla à vista alegre hier sont copiées du site terres taurines.

mardi 19 août 2008

Kontuz Lanak Zezen 's chronik







hier.




bilbo.




m'ont tout chamboulé, là.



ça va pas.




des lanak et des kontuz partout sur le réseau autoroutier en arrivant dans la capitale de "biscaya es un bello jardin/y sus bilbainitas las rosas" (charles ferré et lartigau. un grand disque aujourd'hui perdu. trop de déménagement).




lanak : travaux. kontuz : cuidado. zezen : toros. zezen plazak. pas besoin de traduc.




le z et le k. presque partout. le x aussi. le basque : une langue où s'épousaillent des caractères mal aimés, mal compris, mal perçus, à la marge, mais auxquels l'indifférence est étrangère.




bon.




quartier de vista alegre.




zabalburu.




despacho de billetes.




apartado. trop tard. prendre du sol. on crâme à 13 h mais on essore ses chaussettes à 18.




les corridas ont le tempérament océaniques ici.




regard circulaire.








combien d'aficionados sont restés des années à errer dans ces bars d'alentour aux photos aussi jaunies que la peau des serveurs est blâfarde.




métronimie des serveurs : trois cubes de glace jetés dans un verre, un citron attrapé au bout d'une pince et tourné sur le bord, une rasade dantesque d'alcool fort , l'ouverture d'un "botellin" de soda et glouglouglouglou à la verticale. certaines fois c'est même une bouteille dans chaque main. de l'art ? ici tout se fait avec art. même le coup de zeste d'agrume inutile et pourtant obligé sur le col du récipient. comme on tricote une media d'anthologie. mais 973 fois dans une journée.







aujourd'hui je me souviens de nos premières venues ici.







on prenait la route de la côte parce que l'autoroute ça coûtait cher. on pouvait se payer un menu avec les économies. qu'on avalait à toute berzingue.




on mettait 4 fois plus de temps. deba, hondarribia, leikeitio...des kilomètre de ruban.




l'essence n'était pas au prix du vega sicilia. miterrand n'avait pas encore revu bousquet. il y a longtemps.




on restait avant et après los toros sous la férule du rond des arènes qui me faisait penser à un moulin à prières. avec ce qui sortait des chiqueros il fallait bien un calme et une détermination de tibétain pour ne pas se passer 30 fois par minute l'index entre le cou et le noeud de la cravate.




et puis il y avait aussi la mythologie.




le fracaso de curillo, les cornes devenues vertes sous la lumière après la pluie sur le sable graphitique. jacques nous l'avait raconté tant de fois. on y croyait comme si on y avait été.







un jour, on ne sait pourquoi, nous décidâmes de descendre vers le ventre crasseux de bilbao la prolétaire qui laissait pisser un fleuve d'eaux quasi-mortes et dont les rives étaient hérissée de grues tentaculaires, de terminals pour livraisons maritimes, de toits d'usines vrombissantes. les grues sonnaient comme les cloches. plus mates et plus sinistres.




passé le nervion on découvrit le casco viejo, les siete calles, la plaza nueva et ses arceaux, le marché de la ribera, les bars ouvriers et indépendantistes. ici c'était le pays basque des hauts fourneaux.




on comprenait mieux le sable, le ciel et le sérieux, l'austérité. la fierté de vista alegre.







aujourd'hui les barakas des assos abertzale bordent le nervion autour du pont qui mène au vieux quartier. le tramway est vert comme l'eau quelque peu regénéré du fleuve et coule comme lui lentement vers le guggenheim de franck gehry. de près, cet édifice qui a chamboulé, véritablement transformé le visage de la ville, me laisse indifférent. le titane n'a que l'émotion d'une faena de miguel angel perrera. rien sous la peau ne frissonne. ni en long ni en large. par contre, de loin et inclus dans l'urbanité du paysage, sous des angles différents, au travers de perspectives horizontalo/verticales certainement choisies à dessein je suis d'accord pour me dire que ce truc fait vraiment vibrionner l'architecture de la ville. à l'instar des grues monstrueuses d'il ya quelques années.







dans le vieux casque une chorale chante. jodeeeeer ! quelle beauté. l'agur jaunak dacquois, pipi de chat !




depuis quelques temps c'est toujours aussi festif et joyeux, bon enfant et populaire mais on peut se faire estafer en grand pour un peu cher. the tiempos they are a changin'.




restent quelques adresses.




dont le museo del vino calle ledesma rive droite. et tout le quartier aussi. dommage que cette fois-ci on ait peu de temps. bilbo en aste nagusia c'est au moins 48 h. ici , rien ne doit se faire sur la pointe des pieds.




d'ailleurs, la pointe des pieds , c'est ce que morante a trop souvent, à mon goût, utilisé pour essayer d'avancer la poitrine comme lui seul sait le faire afin de donner sa muleta en patûre à son premier adversaire. pas collaborateur. adversaire. astifino y con picante. avec le défaut de puntear en fin de passe. mais un toro important.




jose antonio huile quelques derechazos sur l'aspérité du jandilla. il expose son toreo. mais. mais. mais. il n' a pas réussi à fondre ses zapatillas dans la minéralité du rond bilbaino. fondre le cuir et cette ambre gris. trouver l'alliage improbable. à gauche aussi. depuis combien de temps morante n'a-t-il pas "cuajé" une grande , une intemporelle série de la main gauche ?




le second de son lot a 50 ou 60 kilos de trop. morante seulement 4 ou 5.




pourtant, il me laisse dans la bouche cette envie indescriptible de le revoir. comme à chaque fois. ça tombe bien, il reste ici plus de 48 heures. juste le temps de poser ses pieds où il le sent le mieux.




celui qui sent parfaitement cet air nouveau issu de cette bilbao contemporaine, héritière des quartiers laborieux et émigrés de barakaldo et attachée à la vision transfigurée de ses quais tournés vers l'avenir c'est le cid. il a une façon communicative, car naturellement enthousiaste, d'être en osmose avec la respiration de cette arène. il pète la santé comme les anciens dockers devaient cracher leurs poumons.




son premier taureau a lui aussi un surcroit d'hémoglobine. bicho de "thrill". la voûte de son échine est une une courbe parfaite. un arc tendu. avec deux flèches.




le torero de salteras est un maître d'oeuvre puissant et dominateur. avec ce jandilla en pierre de taille il va bâtir une faena de compagnon courte et précise.






le reste s'est noyé dans la ginebra et les bulles ascendentes de tonica du verre que marc avait posé à côté de moi. le suivant du cid se vautre. piètre sobrero. un goût de flotte.



premier de perera. taureau de genièvre là aussi. mais les bulles qui accompagnent la faena du torero sont légèrement descendantes. bon. orbitales on dira. mais c'est mon gosier. d'autres le garderont longtemps en caudalies. dernier de la tarde.pffuuuiiiii...tt ! vous vous rappelez ce soda qui portait le nom d'un pays où les habitants parlent comme robert charlebois ? voilà. c'est ça. et michelange a bu ça comme céline dion doit boire du coca. en quantité. sans sourciller. sans noyer la moindre goutte de bourbon dans le breuvage. toreo en manque de tourbe.



rideau.







dans la nuit les essuie-glaces de felipe râclent le pare-brise. avec efficacité. mais en produisant un ronchonnement où se mêlaient la fatigue. le désaccord. le txirimiri, cette bruine insaisissable et légèrement salée, faisait son office. elle mouillait les dernières lueurs qui se reflétaient dans le nervion des souvenirs et le corps impassible du musée le plus représentatif de notre contemporéanité. et demain ? kontuz. lanak. attention. travaux. bilbo construit ce futur angoissant de la fiesta brava.




je crois que j'aime encore à l'accompagner dans sa tâche.




ez adioik.

dimanche 17 août 2008

les oreilles ont des poissons


allez.
le ciego, pas bégueule, fourgue "dos pinchos de lujo" pour "tapar" les litres de sirop à la chantilly offert à la régalade et en tournée générale par la presse taurine officielle.

c'est simple , eux , les officiants, les grands prêtres de la feria, s'adressent à la foule, cherchent à la nourrir en laissant croire qu'il y a eu multiplication des poissons dans l'adour, qu'ils auraient frayé jusque sur les bas côtés du fleuve, exhibant ventre à l'air, ouïes sanguines et oeil vif au pied d'une arène touchée par les miracles torodivins.
"penchez-vous et ramassez la manne" distingue-t-on des émanations buccales parfumées aux pamoisons des nouveaux saint-jean baptiste. les poissons dont on parle dans ce verset de la nov- bible du "papataurismo" ont une drôle de forme. on dirait des oreilles.

les autres c'est plus compliqué. ils n'ont pas l'ego des gourous, la démesure de leurs moyens quasi pharoniques et surtout ils n'y croient plus au miracle de la multiplication des trophées. la multiplication. voilà peut-être l'opération post-moderne par excellence. 1 +1 + 1 + 1 + 1 + 1 + 1... ce ne sera jamais identique à 7 x 1. contre toute les logiques eschatologiques, férocement festives et arrasant le piquant de la fête sauvage, brandies par nos raël en guayabera. ces résistances aux évidences assénées, on les rencontre dans les contrées reculées, et de plus en plus montrées du doigt que sont les limbes des aficionados. ceux de la quête, du graal. le graal et son unicité. le graal et son universalité. le graal protéiforme mais si pur. ces chevaliers de la guerre à la doxa parlent à chacun dans sa diversité.
alors, en ces temps de déferlantes uniformisatrices , qui nous abreuvent jusqu'à la soûlographie autosatisfaites, écoutons-les sans les bader. leur parole est incarnée :

- "dos pinchos ciego, dos ! pa'tapar la tajada que me llevo bebiendo tanta extasis."

-"ahi va , ahi va ".

-"a ver. que tiene ?"

-"de primero un montaito de laurent larrieu de la cocina de campos y ruedos. muy escabechado. pero lo ha montao a lo grande. y de segundo tenemos un combinao de olivier deck, chef estrellado que ha salido una tapa de lenta pero perfecta composicion."

-"perfecto. dame una racion de cada una. "

-"bueno, y de beber compare ? "

-"una jarra del buen vino de la bodega de sol y moscas."

-"perfecto. a la orden."

nb : pour accéder aux chroniques dacquoises de deck il faut entrer sur son site en lien dans le post puis aller à carnet taurin à droite. la cuisine , c'est parfois compliqué même si ça ressemble à un oeuf à la coque.

nb2 : le café, en dernière minute, est offert par bronco.fort.

samedi 16 août 2008

Curro Diaz ... un Sabor Diferente.

un peu de saveur pour savoir (pour vous assurer que je ne dis pas que des conneries. ou définitivement vous persuader que si.)

la chronique "el codo de curro" est traduite en-dessous.

nb : je ne suis pas du tout , mais alors pas du tout un "currodiazerista".

le coude de curro (transmontes 2)

...et curro diaz alla des cils en bois bordeaux jusqu'au milieu d'une île appelée redondel. en accompagnant le taureau, par le bas, le très-bas, por lo bajini disent les gitans qui se remémorent la mère chantonnant dans la pénombre de la chambre. ce fut quelque chose de long et cadencé. comme un travelling de max ophüls. dans la faille de mon san andreas mental éclatèrent les olés. vivre et rêver.
vivre ce toreo que certains élus détiennent et parsèment. rêver avec les paumes ouvertes et les poignets faisant des allers et retours pour accompagner le compas des tientos de l'époque de caracol.
tout cela curro le fit à dax, terre landaise qui se dit amante des toreros mais qui hier avait l'âme vulgaire. mais il aurait du le faire plutôt à juneau et le peuple des alaskas serait sorti de ses foyers pour lancer au torero des clochettes de traîneau, des totems et des jaleos prononcés dans une langue inconnue mais précieuse.
je dis juneau comme je dirais madrid. et alors là c'est l'esprit saint qui s'effondre.

ensuite les mêmes coeurs congelés crurent voir un torero décroisé et se mirant dans son propre reflet. je pris alors en pitié tous ceux qui emprisonnent ce qui les irrigue dans une glacière. ils ne savent pas non plus laisser cuire sur la braise leur muscle le plus indispensable jusqu'à ce qu'il exhale cette odeur de grillé succulent.

dans la nuit des sentencieux ("mais pourquoi nous décrivent-ils la corrida, on y était les gars !" me susurra mon amour ) un, ou une, s'est enhardi à avancer que le toreo de curro était codillero*.
pauvre femme, elle ne s'était jamais rendu compte que le bras doit frôler son poitrail si le maestro veut nous transmettre les battements des charges de l'animal. le toreo s'écoute dans les coudes de puya, de cagancho, del albaicin, de gitanillo, de victoriano, del choni, de rafael et de curro. mais elle donnait de l'importance à ses connaissances, enfilant sans saveur les perles de son savoir de papier couché.

savoir et saveur.
c'est exactement ce que mit curro diaz dans son toreo. et si nous ne le valorisons pas plus que cela maintenant que va-t-il nous rester ? une passion pour l'hygiène, c'est certain. mais je ne crois pas qu'un coeur d'athlète intéresserait l'écoute de mon coude pour qu'il puisse offrir à ma main sa poésie. il s'éloignerait avec tristesse et il commencerait à sentir poindre des regrets. ceux des temps où poètes et toreros jouaient au coude à coude.

* codillero : avec le défaut de trop coller au corps son coude de manière raide et courte.
ce qui est une certaine marque de fabrique d'un toreo très personnel si ce travers est arrondi , maîtrisé et que cette aspiration particulière devient alors inspiration.

vendredi 15 août 2008

el codo de curro


...y se fue curro diaz de la pestaña de madera burdeos hasta los medios de una isla llamada redondel.
doblandose con el toro, por bajo, bajisimo, por lo bajini dicen los gitanos recordandose a la madre que cantiñea en el oscuro del cuarto. fue algo largo y templado. como un travelling de max ophüls.
se rompian los oles en la falla de san andreas de mi mente. vivir y soñar. vivir ese toreo que unos elegidos detienen y esparcen. soñar con las manos abiertas y las muñecas haciendo idas y vueltas para acompañar el compas de unos tientos de la epoca de caracol.
lo hizo curro en dax, tierra landesa que se dice amante de toreros pero que ayer era de alma tomatera, pero mejor lo hubiera hecho en juneau y la gente alaskera hubiese salido de casa para tirar al torero campanas de trineo , totemes y jaleos desconocidos pero preciosos.
en juneau o igual en madrid. y se desmorona el espiritu santo.

despues los corazones helados vieron a un torero descruzao y tumbao en el espejismo.
me tome en piedad esos que tienen su noria encarcelada en nevera.
ya no saben cocer a la brasa el muslo primordial hasta que huele a quemao sabroso.
en la noche de los sentenciosos ("porque nos cuentan la corrida, que estabamos alli, tios !" me susurra mi amor) uno, o una, se atrevo a decir que el toreo de curro era toreo de codillero.
pobre mujer. no se habia dado cuenta que el brazo debe rozar el pecho si el maestro nos quiere contar como late la embestida del animal. el toreo se escucha por los codos de curro puya, de cagancho , de gitanillo, de albaicin, de victoriano de la serna, del choni, de rafael y de curro. pero presumia de conocedora, ensartando sin sabor perlas de su saber de papel cuché.

saber y sabor.
eso si que fue el toreo de curro diaz. y si no lo valorizamos hoy en dia , que nos quedara ? una aficion higienica, por cierto. pero creo que no le interesaria, para contarle poesia a la mano, a mi codo escuchar un corazon sano. se alejaria con tristeza y empezaria en añorar los tiempos . eso tiempo en que eran de codillero a codo, poetas y toreros.

nb : comme c'est déjà arrivé ici, c'est en espagnol que sont sortis le mieux les mots que je ressentais. demain je traduirai tout cela en français. ce sera un trasmontes , mais dans l'autre sens.

samedi 9 août 2008

La terre est plus étroite alors



mahmoud darwich est mort. la terre est plus étroite alors.


poète de l'exil, celui de la langue, celui des chemins des origines et celui de l'amour, mahmoud darwich est mort il y a quelques heures. on avait ouvert son coeur pour le soigner. comment peut-on refermer deux ventricules aussi profonds que les gorges de despeñaperros ? car l'andalousie irrigait les lauriers roses s'échappant des pores de la mémoire du poète palestinien. cet al-andalus collait aux désirs des chants de réconciliation identitaire mais non résignée des ciels hébreux, chrétiens et arabes.




"J’ai vu le pont


L’Andalousie de l’amour et du sixième sens


Sur une larme désespérée


Elle lui a remis son cœur


Et a dit : l’amour me coûte ce que je n’aime pas


Il me coûte mon amour


Puis la lune s’est endormie


Sur une bague qui se brisait


Et les colombes se sont envolées


L’obscurité s’est posée


Sur le pont et les amants"




("Plus rares sont les roses"éd. de minuit/1989)




Sur la place des orangers, les marchandes de vieilles épées font foi à nos propos,
et ceux qui partent à leur journée entendent le chant et ne mentent pas au pain,
désert au cœur,


Déchire les veines de mon vieux cœur avec la chanson des gitans en route pour l'Andalousie.
Chante ma séparation du sable et des poètes anciens et d'arbres qui n'étaient pas femme.


Mais ne meurs pas maintenant, je t'en conjure !




("La terre nous est étroite" éd. gallimard)




la force de darwich c'était pour moi comme un vin nourricier. un étancheur de soifs qu'on sait pourtant sans fin. un guerrier amoureux n'ayant jamais sorti de son carquois que des mots qui touchent le but qu'aucune flèche très aiguisée ne pourra même effleurer : la peau, pas la première mais la plus profonde, celle enfouie sous les chairs. au tréfond.




je me souviens de sa venue à bordeaux au 1° marché de la poésie, dans un fond de salle d'un café des chartrons. était-il venu d'ailleurs, lui ? car seule me reste sa voix qui faisait luire les bords des bocks de bière rousse. elle sentait la figue. elle roulait dans le ventre de tonneaux en bois d'oranger. elle voulait marier l'étoile et le croissant comme sur le dos des mains de camaron.


je ne sais plus à quelle heure j'ai commencé à pleurer.


je sais que le chat de la maison est malade, ce sera peut-être sa dernière nuit. il préfère retrouver les mains du poète pour lustrer l'infini de son poil blanc en partant en même temps que lui. je le comprends.


il faudra pourtant arrêter de saler le clavier pour appeler olivier et lui dire la nouvelle.


là-bas, au puerto, il faudra qu'il déchire son mouchoir. le morceau qui n'essuiera pas son visage lui servira j'espère à saluer un geste de morante qui aura suffit à éventrer le djin pour qu'en jaillisse "une mémoire pour l'oubli".



nb : en lien un article d'olivier sur la dernière apparition en public de mahmoud darwich en france le 14 juillet à arles (la photo illustrant ce post est de lui).


nb2 : site Darwich à consulter.


jeudi 7 août 2008

acorralada quieta (trasmontes 1)


comme promis , je tente une série de traductions de certains textes déjà publiés ici et qui pourraient intéresser les visiteurs "hispanohablantes" des pinchos.
cette tentative s'intitule "trasmontes".
(la photo montre une vue de Caceres, ce texte étant spécialement adressé à andres, camarada y no digo mas, ainsi qu'à rafael cañada et son maestro emilio de justo qui reviennent affronter las ventas ce dimanche 10 août. suerte !)


a adrian gomez, torero.

lo torceaba en mi mente
cuando vi el sol
aflorar detras de las hojas del arce
de las imagenes cosidas
por una aguja de las tragedias


no queria ver agitados ya
esos cuerpos en el aire
que empiezan en recaer
mientras necesitamos
suspenderlos
en la ropa cuajada del cosmos


se podria
tener entonces
el tiempo y el espacio
por venir cogiendo
entre dos palmas
muy suavemente
sus sienes ansias
y tumbar sus cuerpos
desarticulados
sobre la silice.


sin sacudida


el sol surgio.



los cuerpos caen
como todas las veces
que este sueño me accorala



se fracasan la nuca
en la realidad
salvaje de esa fiesta



la nuca de adrian
cruda



la nuca de christian
brava



y la de julio
de esa tarde


vencidas.



se torceaba en mi mente
igual que un tambor belicoso
en un redondel hormiguero
con millares de voces
llamando a romper
la nuca
de cualquier se esforzaria
en robar el fuego de la victoria.



empezaba en alejar mi mirada
del arce



simplemente
hubiera querido
compartir
una cena bajo su sombra
con rafael
y que el sol
asi nos agarre
con las sonrisas



me acoste
en esa promesa



susureandome
que rafa esta en madrid



con emilio


saben que pensamos
a ellos
la cabeza en el trebol mojado



y que no pasara nada.



cerrando los ojos
yo vi el arce
salir de la luz soleada.



sabia que esta noche
la accoralada seria quieta.

mardi 5 août 2008

De retour


de retour.
de retour dans les pissenlits chaque année plus nombreux, la chair éclatée des prunes laissant flotter un zéphir qui s'acidule sous la masse tiède de l'arbre, des centaines de papier publicitaire comme autant de supplices coloriés à la misère écologique de notre vie consommatrice, le sable qui s'égrainent des pages et des linges qu'on range à coup de gestes lents, l'étincelle des garances de la peau de ces tomates poussées avec juste un peu d'eau à leur pied en partant, le voile du maté solaire sur la peau qui retrouvera vite son lait, la fatigue de s'être reposé autant, le bruit des baïnes au fond des tympans cisaillé par la stridulation qui n'avait plus de nom jusqu'à il y a de cela quelques secondes encore : le téléphone .
de retour.
de retour sur les souvenirs, ce qui tient de mouchoir humide enveloppant la mémoire.
la quiétude de mathieu, l'intelligence de ses projets, les bouts rougis des cigarettes partagées, son bonheur d'être comme un extraterrestre avec les doigts de pieds encerclés par la plage, les fous rires de voir miguel et les filles si beaux.
le riz de calasparra épandu dans le bouillon juteux qu'olivier laissera un peu craquant par endroit pour qu'éclate l' ivoire de l'amidon , ce liant aussi puissant que les amitiés sous la nuit. la lueur d'un ducru-beaucaillou pour ne jamais oublier le premier regard d'un enfant posé sur le berceau voluptueux des cuisses d'une mère apaisée de bonheur enfin.
le corps d'ablette athlétique de charlie , fier d'être malicieux de nous passer la bouteille de vin au goulot, sa peinture qu'on peut même voir dans ses yeux.
par contraste, les noeuds dans les branches de l'arbre qui tient lieu d'enveloppe charnelle à julien. matador de toros cela s'examine au territoire bosselé de la peau, aux ruisseaux maigres des blessures qui zèbrent son derme sombre comme des filaments laissés par la bave de la douleur. en écrivant cela me reviennent les images d'un julito d'alors, de son corps d'enfant engoncé dans le traje campero des premières illusions. seul le sourire, celui d'un carnassier de la vie mais croqueur de fleurs champestres, n'a pas bougé. julito, ciego, est julien. un homme.
et didier le conteur au verbe de bilboquet, et hop !
la douceur de nicole quand elle le regarde...
la sincérité de pascale.
l'hospitalité complice de claudie et françois.
la tendresse d'hélène.


de retour.

de retour, le ciego pense encore une fois à tout cela dans la pénombre avant d'ouvrir les portes à battant du bar.

il ouvre et décide d'accrocher ces mots aux palillos des premiers pinchos matinaux.

le goût est certainement le sens qui nous trahit le moins.