samedi 9 août 2008

La terre est plus étroite alors



mahmoud darwich est mort. la terre est plus étroite alors.


poète de l'exil, celui de la langue, celui des chemins des origines et celui de l'amour, mahmoud darwich est mort il y a quelques heures. on avait ouvert son coeur pour le soigner. comment peut-on refermer deux ventricules aussi profonds que les gorges de despeñaperros ? car l'andalousie irrigait les lauriers roses s'échappant des pores de la mémoire du poète palestinien. cet al-andalus collait aux désirs des chants de réconciliation identitaire mais non résignée des ciels hébreux, chrétiens et arabes.




"J’ai vu le pont


L’Andalousie de l’amour et du sixième sens


Sur une larme désespérée


Elle lui a remis son cœur


Et a dit : l’amour me coûte ce que je n’aime pas


Il me coûte mon amour


Puis la lune s’est endormie


Sur une bague qui se brisait


Et les colombes se sont envolées


L’obscurité s’est posée


Sur le pont et les amants"




("Plus rares sont les roses"éd. de minuit/1989)




Sur la place des orangers, les marchandes de vieilles épées font foi à nos propos,
et ceux qui partent à leur journée entendent le chant et ne mentent pas au pain,
désert au cœur,


Déchire les veines de mon vieux cœur avec la chanson des gitans en route pour l'Andalousie.
Chante ma séparation du sable et des poètes anciens et d'arbres qui n'étaient pas femme.


Mais ne meurs pas maintenant, je t'en conjure !




("La terre nous est étroite" éd. gallimard)




la force de darwich c'était pour moi comme un vin nourricier. un étancheur de soifs qu'on sait pourtant sans fin. un guerrier amoureux n'ayant jamais sorti de son carquois que des mots qui touchent le but qu'aucune flèche très aiguisée ne pourra même effleurer : la peau, pas la première mais la plus profonde, celle enfouie sous les chairs. au tréfond.




je me souviens de sa venue à bordeaux au 1° marché de la poésie, dans un fond de salle d'un café des chartrons. était-il venu d'ailleurs, lui ? car seule me reste sa voix qui faisait luire les bords des bocks de bière rousse. elle sentait la figue. elle roulait dans le ventre de tonneaux en bois d'oranger. elle voulait marier l'étoile et le croissant comme sur le dos des mains de camaron.


je ne sais plus à quelle heure j'ai commencé à pleurer.


je sais que le chat de la maison est malade, ce sera peut-être sa dernière nuit. il préfère retrouver les mains du poète pour lustrer l'infini de son poil blanc en partant en même temps que lui. je le comprends.


il faudra pourtant arrêter de saler le clavier pour appeler olivier et lui dire la nouvelle.


là-bas, au puerto, il faudra qu'il déchire son mouchoir. le morceau qui n'essuiera pas son visage lui servira j'espère à saluer un geste de morante qui aura suffit à éventrer le djin pour qu'en jaillisse "une mémoire pour l'oubli".



nb : en lien un article d'olivier sur la dernière apparition en public de mahmoud darwich en france le 14 juillet à arles (la photo illustrant ce post est de lui).


nb2 : site Darwich à consulter.


4 commentaires:

Anonyme a dit…

Esa mano izquierda, ay, esa mano...

La condesa de Estraza

Ludovic Pautier a dit…

si,la mano y el corazon como ese pitillo encendido.

ludo

Anonyme a dit…

SI NOUS LE VOULONS

"Nous serons un peuple si nous le voulons, lorsque nous serons que nous ne sommes pas des anges et que le mal n'est pas l'apanage des autres.
.......
Nous serons un peuple lorsque nous insulterons le sultan et le chambellan du sultan, sans être jugés.
.......
Nous serons un peuple lorsque le chanteur sera autorisé à psalmodier un verset de la sourate du rahmân dans un mariage mixte.
Nous serons un peuple lorsque nous respecterons la justesse et que nous respecterons l'erreur."

Un grand poète, un grand Palestinien : mais que valent les mots, les mots des humbles, quand de tels êtres quittent ce monde où leurs frères continuent de s'entre-tuer ?

Anonyme a dit…

bien señor pedrito, bien.
merci pour le commentaire "illustré" . de lujo y de sentimiento.

ludo