mercredi 31 décembre 2008

Goutte 2009...




una gotita de agua
no abre joyo ni en la arena
y una gotera continua
abre agujero en la piedra

une gouttelette d'eau
ne fait pas son trou même dans le sable
et une gouttière perpétuelle
ouvre une anfractuosité dans la pierre.

( francisco moreno galvan / letra de solea por buleria )

nb : l'illustration est de mathieu sodore.
elle est extraite de ce qui fut avec olivier, christophe et loli, notre aventure "numero uno" , ce journal "non officiel de la corrida" où nous avançâmes masqués, puis à visages découverts quand nous fûmes sûrs que nos lecteurs ne l'étaient pas par copinage mais par intérêt. revue bimestrielle entièrement artisanale et sur abonnement , d'essence "satiripoétique", que certains lecteurs de los pinchos ont peut-être connu au début des années 90 (du siècle dernier s'entend, hein ! ).
ce dessin (mal retouché avec "paint" pour la letra de circonstance ) est issu du numéro 13.

allez, meilleurs voeux ( "bonne année mon cul" avait suggéré desproges en son temps mais campos y ruedos en a déjà intelligemment joué l'an passé à pareille époque * ) et à minuit on s'embrasse (ouf, on a eu chaud ).

* avec rebelote cette année mais on adore ça. tiens, j'en profite :vu aujourd'hui le docu consacré à pierre desproges. "qui pourrait faire cela aujourd'hui ? " se préoccupent-ils tous . mais aucun pour se dire que , parce qu'ils se posent la question et " piédestalisent" ce pourfendeur iconoclaste, c'est que dans la question , ils donnent la réponse (la palme revenant à l'insupportabe philippe val )...

mardi 23 décembre 2008

Archipiels 19 ( dernière nuée et prochaine pulsation )



voilà deux textes. un en français , l'autre en espagnol. igual que dos latidos. ou deux ventricules.

l'un raconte ce qui peut battre sous la plume quand on a bien écouté le dernier disque de carmen linares écrit avec juan carlos romero en hommage au prix nobel de littérature ( en 1956 ) juan ramon jimenez, qui est si beau sur la photo, dont on commémore cette année la disparition il y a 50 ans de cela.
va dedicado a la señora condesa, a rosa, a andres, al coronel, al papa negro, a solymoscas, a juan carlos buzon, a lucas y a todos los amigos que tengo alli.

l'autre est une simple joute avec les mots de ce qui danse dans la nuée qui s'estompe mais aussi la pulsation qui vient et qu'on souhaite toujours moins âpre que la précédente.
cette joute espère être à la hauteur de la rencontre avec laurent et victoria, bruno, françois , marc, bernard, laurent, philippe, yannick, jean-michel, pierre et consorts.
sans oublier ceux de toute la vie. ils se reconnaîtront.
le ciego aura juste une petite attention spéciale pour xavier, ce "don" qui vient de recevoir un coup mais dont je l'entends rire déjà et dont nous partagerons la quête cet été.




carmen canta.
canta carmen.
canta a juan ramon,
el del platero y yo que le estudiaba en los antiguos libros de mi colegio donde se balbuceaba castellano en el ruido de la lengua de la tia pepa y con el humo de la moto de carlos.
...
cuando canta carmen uno parece a la cabra picassiana que descubre un pan de sal que lamer. tanta dignidad, tanto grito de cartel. tanto talento, tanta hermosura quebrada por un pincel que brota en su paladar de mujer fuerte y herida. miradla ! sus manos agarrando la fugacidad del cante güeno en un aprieto de palma de miel con falanges amorosas. y lo consigue, entra bajo su piel, galopa con temple pero sin freno hasta el muslo rojo que respira con un destello de lucha.
carmen canta porque su boca sabe.
sabe a intensas letras del pueblo, a romances de su tierra aceitunera, a rebelion precisa, a emancipacion orgullosa del cante de mujer fiera y tierna.
y ahora sabe a dulzura de cardon pisada por pezones de burro, sabe a madrugadas sobre un mar de cal donde flota una uva ardiente. sabe a poemario de mi juan ramon de adolescencia lejana en la que españa era polvo lejano y preguntas.
pero nosotros deseando quemarnos la piel debajo respuestas carnales.
carmen
canta carmen
carmen canta
canta a juan ramon jimenez con sus alas y raices
no te conozco carmen pero siempre te agradecere de llevarme a la memoria lo que fatalmente estaba a punto de perder.



aller vers l'an qui vient
ce serait
en plusieurs endroits
mettre le feu aux dernières pages pour un enlèvement du givre des alphabets
se dire
combien le sel manque sur nos poignets blessés
passer les mains
sur les têtons des croix du sud
en loucedé partir sous les arbres
bêcher la brume avec des hoquets de cheval à la peine
dans un oeil de cylindre
à l'ubac des lies se rendre pâle
avec le soleil pour frère
faire un festin
de l'air respiré auprès des chuchotis
montés d'un poumon
ouvert en deux fosses glaireuses
à chaque rue serrer le poing du monde fragile
claquer un coup à tous les huis
pour questionner
et savoir qui vient donner à boire à nos entailles les plus profondes
éteindre les lampes sous la peau
les saouler de lumière que rien ne puisse sourdre
piller les gorges babéliques
et laisser le butin fleurir sous la verrière étoilée
brusquement aimer les râtures
sous le silence
deviner le souffle en insurrection de l'autre
y sculpter ses propres tavelures
enfin
oublier que le mot poémaire n'est pas de notre langue.

samedi 20 décembre 2008

Les rois nagent


¡Jee, compañero, jee, jee!
¡Un toro azul por el agua!
¡Ya apenas si se le ve!

—¿Quééé?
—¡Un toro por el mar, jee!

(Rafael Alberti)

mardi 16 décembre 2008

Diego


"La route m'aspire et la cité n'est plus qu'un mirage avec sa ceinture de tours en béton mais je suis à l'entraînement avec Tomàs, Diego, Pablo et Juliàn. Le sable est sous la houle des capotes et des muletas. La pierre déserte renvoie l'écho des appels, des encouragements où l'on te dit que c'est bien pendant le temps infini que peut durer une passe :
Allons petit taureau
allons…
regarde
moi je place ma cuisse en avant
je pense à bien te mettre les reins
là où la sueur
huile
les plus beaux gestes
regarde, regarde
c'est comme ça
bieeeeeeeeeeen .
Les hommes font les taureaux. En fait ,en empoignant une paire de cornes équarries et reliées par un morceau de bois, les hommes sont les taureaux. Durant le simulacre, suivant la peau qu'on a choisie, on souffle, on racle, on piétine, on frôle, on défie. En hiver les lumières s'allument tôt et on torée dans la vapeur des haleines."


( ludovic pautier / la présence des gorges /
éd. revue pension victoria / novembre 2008 )

la cocote minute du taureau vapeur.

cette cité c'est huesca. c'est dans ses arènes que j'ai passé la période de ma vie au plus près du toreo. tomas et diego, ce sont les frèrs luna. matadors de toros. éleveur de bravos. pablo et julian sont banderilleros. ils sont tous les quatre de grande probité. de haute aficion.
il y avait aussi à l'entrainement tous les jours l'abnégation des chavales, les mistons pourrait-on dire, de l'école taurine et les conseils du père de julian.
je pourrais dire aussi le billot de bois et la capsule de la bouteille de bière el aguila qu'il fallait percer en son centre à chaque coup de puntilla pour ne pas que le taureau se relève comme une mousse trop chaude remonte dans un goulot agité. les courses millimétrées pour sauter au balcon du carreton des banderilles et y déposer deux morceaux de bois aux crêpons fripés qu'on voudrait être une joli paire de coquelicots des blés. les discussions sans fin autour de tel souvenir, de tel taureau, de telle suerte, de tel triomphe, de tel rêve impossible et pourtant...


au balcon, une paire de coquelicots...

tomas était novillero et se présenta au certamen du coso de la calle pignatelli à saragosse. un lot de manolo gonzalez, je crois. l'ami français qui m'accompagnait vit au patio de caballos à la fin de la course un jeune homme aux yeux si cernés qu'on aurait pu les imaginer dans les orbites d'un marin au long cours de retour de terre-neuve après avoir essuyé 10 jours de typhon.

tomas luna. torero.

son frère diego aspirait lui aussi à prolonger la saga familiale en toréant des novilladas sans picador. il gagna l'année suivante le bolsin du club taurin de bougues, encore sis à bascons dans ces années. les deux frères prirent l'alternative dans les arènes de la capitale oscence, leur terre, des mains de ponce, tomas, et de celles d'espartaco , diego.

diego luna. torero.

ils n'ont depuis eu que peu l'occasion de sortir l'habit de lumières qui attend sous la chemise, cette protectrice de la poussière qui éteint les ors. les alamares se ternissent seuls en fait. sous les éléments d'érosion bien connus du monde des taureaux : opportunité, régularité, chance, profondeur, foi, don, étincelle, relations...il en faut des conjectures pour fabriquer un hérault. mais tomas et diego n'ont pas failli à l'aficion, au courage et à l'art qui les habitaient dès le départ.

la luna toreando al toro de la tierra oscence.

parallèlement ils développèrent un élevage de provenance du fer de "los bayones" appelé "sistac luna" . passion taurine intégrale.
à ceci s'ajoutait que lorsque nous voyagions pour aller au campo ou dans un tentadero les voix qui sortaient des hauts-parleurs portaient les couleurs brunes des chants libérés de la pauvre métrique occidentale.
saragosse et huesca peuvent s'enorgueuillir d'avoir en leur murs une communauté gitane importante qui fait de ces deux villes du nord des foyers d'addiction au flamenco qui irradie jusque chez des payos ayant pourtant la jota chevillée au corps. d'ailleurs certaines letras, certaines origines de chants , sont étroitement liés à l'aragon. mais ceci est une autre histoire. qu'on partagera plus tard.

diego luna a toujours, comme tous ces toreros pour la vie, le ver, le gusanillo, qui vrille les tripes quand on sait le plaisir , l'irrépressible envie, de toréer a gusto un animal encasté.
il y a quatre jours maintenant c'était pour une noble cause qu'il s'engonçait dans les tissus serrés de l'habit dit "champêtre". alors qu'on va plutôt au charbon. mais en espagne, tout doit se faire dans le contraste des élégances. élégance du fond sauvage qui livre un combat franc et loyal, élégance des formes de la bravoure des corps au creux de l'esprit du geste.
c'était un festival pour jose carlos galera, un enfant hospitalisé aux états-unis et dont les soins nécessitent des fonds.
diego , à l'heure de parachever un combat pour une vie par cet acte paradoxal, transgressif et vrai de la mise à mort , a subi la douleur de la corne qui s'enfonce dans les chairs les plus exposées au moment du coup d'estoc. trois trajectoires importantes dont une à fleur de fémorale. pronostic : "grave".

pieta de la mémoire

en ouvrant les nouvelles de la planète des taureaux dimanche tard dans la nuit, une image a brûlé mes yeux : tomas et julian entourait diego blessé qu'on emportait vers l'infirmerie.
est montée alors l'impression que j'étais là aussi, mes molécules éparpillées dans cette agitation à porter un secours invisible et dérisoire mais solidaire dans l'élan vital pour le torero ensanglanté, à la peau qui grimaçait de douleur.
j'étais là, oui, je n'ai jamais quitté les uns et les autres de cette époque. ils sont de la famille de ma mémoire. un des miens avait mal, un des miens avait la vie qui s'en allait par la béance de cette cuissse fouaillée...

irinie du sort : au moment où la cogida se produisait j'étais à jurançon pour dire des textes dans lesquels l'influence de cette ancienne quête initiatique aragonaise n'est pas sans conséquence. on scandait, on sussurait , on chantait, on avançait dans une matière poétique qui dit la corrida des âmes avec nicolas. et j'avais dans ma sac de voyage les quelques exemplaires de "pension victoria" où figure ce texte qui ouvre la page que j'écris maintenant.
il porte le titre de "la présence des gorges".
il s'intitule aussi "récit de voyage inachevé".
"inachevé".
heureusement.

mercredi 10 décembre 2008

Poésie malolactique ( quand ça a dîné sardine )



samedi 13 décembre nicolas vargas et ma pomme improviserons un mano a mano pour le sud.
le redondel des palabres et scansions sera monté en lieu et place de la médiathèque de jurançon.
à 16 h 30.
c'est toujours dans les chais de la parole que se malolactise la poésie.
on mettra donc nos corps, le lendemain , à l' équerre des barriques, pour s'assurrer du processus et se désaltérer la glose aux coeurs ouverts.

dans cette optique, afin de mieux calentar la voz et d' effectuer una prueba de capotes , le ciego ferme les portes de l'estaminet entoilé pour quelques jours.
le rideau est tiré mais on peut toujours glisser un petit mot sous la grille.

nb1 : entre temps sera sorti le n°7 de la revue " pension victoria ". on y trouvera des extraits d'un journal de voyage conçu dans son inachèvement : "la présence des gorges" .
que soient ici remerciés victoria et laurent.
en fouillant les archives du blog j'ai retrouvé un extrait de ce même texte, à propos de bergamin.
tout ça pour dire qu'il y a des nouveautés dans la colonne de droite, dont un site consacré à l'auteur de "décadence de l'analphabétisme".

carmen amaya vue par eduardo arroyo

nb2 : il y a une bonne odeur de sardines grillées sur solymoscas. la méthode de cuisson en est tout à fait unique en son genre.eduardo arroyo s'en léche encore les pinceaux.
pour mieux comprendre à quelle anecdote fait référence le peintre dans sa série de tableaux, voyez .
bien entendu , après ces agapes, pour dessert je vous recommande des photos extraordinaires de carmen amaya dans le moteur google search. c'est extrait du fond photographique que le magazine "life" a mis à disposition. tapez aussi "bullfight" " spanish dancers " ou " spain " tout simplement. have a god journey, my amigos !
la photo, d'après google life est de gjon mili. gjon ? bizarre, pensez-vous. moi aussi au début je me suis méfié. il faut dire qu'il y a de quoi : la plaza de toros de linares serait d'après la même source l'arène où fut tué "manilete". sic.

nb3 : merci aussi à bobby lapointe.

jeudi 4 décembre 2008

Geyser de la frontera



mazette.
en voyant passer la señora condesa au bras de rafael de paula tout le quartier s'est tu.

vite, il fallait un troubadour virtuel pour embrayer sur la possibilité d'un début de juerga, comme un hommage à tant de toreria qui passe.

surgit alors le meilleur des propices. sa majesté diego carrasco. un esprit des souffles incalculables lui avait sussuré qu'il fallait qu'il passe par ici.
à la vue du maestro et de sa cavalière, les cordes de moraito se frottaient déjà de plaisir.
les gorges subissaient les premières torrentialités de la voix qui montait de geyser de la frontera.

palmas por lo bajini. sorditas. puis plus claires, a compas de parapet parfait. pur jus de jaleo...
va por ustedes , los dos, carmen y rafaé.
diego, mi arma, a ti te toca. pim, pam, pum, fuego !
.
.
.
Cuando al vuelo tu capote,
pinta verónica al trote
del toro en el redondel.
Parece la Maestranza
una academia de danza
o un cortijo de Jerez.
Y cuando la aguja del toro
pinta el traje grana y oro
como ensartando un clavel.


En tus brazos soñadores
alfileres de colores
no le quieren coser.


Como mimbre canastero
se mece tu cuerpo entero
mientras que pasa el burel.
El vuelo de tu muleta
es el verso de un poeta
que quiere al cielo embeber.
Qué bronce de la escultura
del toro por la cintura
y tu muñeca un cincel


Y en tus brazos soñadores
alfileres de colores
ole con ole y olé


nb1 : une version chantée "al alimon" par diego carrasco et miguel poveda se trouve dans le dernier album du cantaor de barcelona, " tierra de calma " , qui est extraordinaire de bout en bout, grâce aussi à la probité artistique de production et d'accompagnement du guitariste juan carlos romero.
nb2 : comme au comptoir une tournée ne fait qu'annoncer la suivante, le ciego met en ligne la version alimonada dont il est question dans la nb1. ole los cantaores buenos .