
pour comprendre ce post il faut tout d'abord lire la chronique de la tarde des palha à bayonne samedi dernier sur
campos y ruedos , chez
deck ("toru aux toros" et "le rire des bayonnais"), ou encore
velonero et chez
terres taurines ou
beuglot par exemple pour situer les réflexions qui suivent.
I
je ne crois pas que ceux qui placent cette course comme un grand et intense moment où quelque chose a remué les fonds des abîmes de nos passions disent qu'ils ont trouvé où sont le vrai, le faux ou la vérité. leurs textes expriment l'inverse de cela. c'est à dire , il me semble, une satisfaction d'être déboussolé par tant de force, de sauvagerie, de caste, de poder et aussi de sournoiserie, de mauvais lait et d'absence de lisibilité qui forment la jubilation de l'imperfection et de la déroute. ce qui fait que "
el toreo es grandeza" (joaquin vidal).
II
qui aime le plus les toreros, la fonction qu'ils incarnent, que ceux qui comme eux disent leur fierté d'être au milieu de ce sublime déchirement : la bête ou l'homme ? mais une fierté humaniste et humble. sans grandiloquence et prétentions. bref, je me sens proche d'eux.
à l'opposé, ceux qui s'autorisent à détenir des dogmes et le proclament en verrouillant toute autre velléité à goûter de différents rivages, ce sont ceux, pour moi, qui , péremptoires, balayent d'un revers d'une écriture trempée dans une doxa empesée - soit en invoquant l'inéluctable fin de l'histoire soit en assénant des savoirs théoriques - nos doutes , nos hésitations, nos subjectivités et nos coups de coeur et de sang, le coup de dés, l'improbable et le frisson des tardes comme celles de bayonne ou d'ailleurs, de palha et d'autres. ils veulent étouffer l'improbable, ou alors ne privilégier que celui d'une certaine extase. la leur, bien formatée et rassurante qui joue des fausses épices et qui rend tout insipide et uniforme, comme ces sauces en sachet et ces bouillons lyophilisés qui recouvrent les suffisances des impéréties d'une cuisine vantarde .
III
Etre aficionado c'est encore comprendre que "irse a los toros" c'est mettre dans sa besace des ingrédients aussi protéiformes, hétéroclites, iconoclastes et déstabilisants que morante à bilbao, palha et cuadri, fundi, prieto à parentis il y a mille ans , curro vasquez à madrid, torrestrella et maria luisa à séville grande époque et manzanares padre, curro y rafael por toda la vida partout avec n'importe quoi. c'est une de mes éphémérides
mais j'en passe, des meilleures, des diamétralement opposées et des semblables.
voilà notre foison ! mais , pour reprendre le titre du livre d'alain montcouquiol, si beau, dans le sens de la marche. et j'en reviens toujours à cette image de la quête. agnostique par essence, j'irai même jusqu'à dire recherche de ce qui relie les éléments d'une cosmogonie primitive. religion. mais je m'oppose quand même à toute utilisation stupide et fourre-tout de la spiritualité et autres paraphrases miteuses des intuitions d'un malraux cité hors-propos, par exemple.
IV
il y a quelques années, claude pelletier, lui , avait choisi d'écrire "je" à propos d'un corridon de fraile à bayonne :
"j'ai loué les fraile de 84, je me souviens de la race des gracilianos leurs ancêtres, je ne peux adhérer aux fraile de 86. trop, c'est trop".
il n'allait pas invectiver qui que ce soit : l'éléveur, les applaudisseurs d'arrastre, les bouleversés par la pelea aux piques...il disait "je comprends" et mettait la jambe.
on voit le chemin parcouru en travers et même à rebours.
V
je n'étais pas à bayonne.
je ne vais plus aux arènes autant que par le passé pour de multiples raisons. j'ai fait des choix, donc. je les assume. mais je me battrai pour que d'autres puissent avoir la chance d' en faire aussi et encore.
et pour cela il faut , je crois, des taureaux qui les permettent ces inaccessibles étoiles. et les étoiles, plus il y en a , plus le ciel est beau, plus il est vaste et interminable dans sa découverte et son exploration.
VI
à bas les jivaros de toutes les tribus des univers multiples de nos aficions !