dimanche 29 juillet 2012

Cinquième poignée...foxée et entière



Mon Fixou,


Ecoute , cette lettre, elle va s'arranquer bizarrement, mais tu me connais , après ça s'arrange. 


J'ai encore rêvé d'elle...
J'ai mal dormi.
Réveille-toiaaaaaaa !!!
Il était une fois le Plumaçon. On n'est plus que deux, sagement assis au dernier rang des tendidos. Tout le monde est parti boire des "cop". C'est fini Madeleine. C'est pour ça qu'on n'est plus que deux. Lui a 7, 8 ans , cet âge où il est encore acceptable de s'exclamer "C'est pas bon", après on te demandera de dire "Je n'aime pas". 
Moi : "Tu veux faire quoi plus tard, quand tu seras grand ?"
Lui : "moi je veux faire Fernando Robleño !"
Ca remue dans le sac. Ah oui, le quatre heures. Mais pourquoi diable le goûter s'impatiente ? 
Ouvrir le baluchon.
Je  m'apprête à donner à manger au gamin. Je fouille, où l'ai-je fourré ? Elle est là , portion  enveloppée dans un traje argenté, la faja rouge, avec son odeur un peu écoeurante.
"Et moi ?"
"Quoi, toi ?" 
"Moi, plus tard je veux faire Escolar Gil "
Ah on a l'air fin, v'là La Vache Qui Rit qui se met à jacter maintenant. Qu'à cela ne tienne, je tends sa pitance au minot en lui soufflant :
"Tiens,attrape ça nene, vous devriez vous entendre ".


Ludo, LU-do,...LUDO putain de bordel de merde , réveille-toiaaaaaa !!!


Ah, ce n'était qu'un rêve. Ouille ! le casque à pointe ! Faut dire que la veille, dans le prolongement de notre hommage au Portugal s'est glissée  une flaque, un boudigot de Quinta Da Noval.
Pas grave, hay que aguanta' picha !


Midi, repas, Charlie, Mathieu et une étoile rousse.


Montée aux arènes "entonao" comme ils disent. Génial, Luc est là. J'aime bien voir des courses avec Luc.


Pendant les deux premiers cuatreños, on devise. C'est un peu flasquounet, on dirait de l'ours en guimauve croisé avec du sperme de baleine.
" De La Vache qui Rit " me glisse Luc.
Voilà, c'est ça, de "La Vaca Que Rie". J'aime bien voir des courses avec Luc. Je ne m'endors jamais.
Bon, il y a des tontons quand même.


Sort "Tartanero"..."Tartanero" ! Sangre flamenca nunca da mas que una vuelta ! 
Luc me regarde, interloqué. Je chantonne :
"Un lunes por la mañana 
los picaros tartaneros 
les robaron las manzanas 
a los pobres arrieros 
que venían de Totana."

Cartagenera,Totanera,"El Alpargartero" le rouge, Don Antonio Chacon,  Morente, Camaron...Tout ça danse dans le ciboulot.
Et en piste Julien et ses hommes.
D'aucuns diraient que c'est une brigade du terroir, un assortiment folkloriste, genre "on joue à la maison", mais d'aucuns croient que la Cartagenera est juste un chant provincial. Malheureux ! La Cartagenera est aussi grande que la Seguiriya ! Y Arsa y Toma, ainsi le prouvent Morenito et Manolo, que pares messieurs !
Il faut être de hauteur de vue avec ce troisième Escolar. "Tartanero" vient noblement mais avec répondant. Ou tu te trompes ou tu me trompes. Il dit. Ne te trompe pas, Julien. Je pense. 
C'est fait, le pas est passé. Les séries appuyées. Les remates longs et vraiment libérateurs. 
Julien prouve. Il vient de lancer la course.
 Le Plumaçon approuve.Une oreille. 


Soudain un souvenir. 
Un dernier jour de Madeleine aussi. 
Rincon/Ortega Cano et des Maria Luisa. Historique. Mais qui lança la course ? Varin, Patrick, l'outsider venu en remplacement de je ne me rappelle plus qui.Varin premier mentor de Jules. Comme quoi, la boucle...Mais Patrick avait pris un tampon. "Un buffet dans la poire" avait dit Olivier. Espérons que la boucle...


Vient "Mirlito". Pas du style à réciter des vers. Coriace. Mais en face se dresse un Curiace : Fernando Robleño façonne le joug qu'il veut passer à "Mirlito". C'est passionnant. Très fort. Ca sent l'animal jusqu' au faîte des travées. Robleño tient bon."Mirlito" tombe dans la clameur. Les bons et loyaux services de Fernando , de Céret à Orthez, sont cousus à l'oreille qu'il trimbale, ses yeux d'un lagon heureux, vaya semanita, je vais pouvoir me reposer un peu.


"Canario" débarque, déferle, décalque. Long comme une traînière de Motriko. Le hocico sa proue, le bout du rabo sa poupe. Avec un fil électrique tendu entre les deux. Sur une amenée au cheval de Javier Castaño c'est le strike. L'air du Plumaçon sent le "hule", la toile cirée des infirmeries d'autrefois.On emporte le torero. "Canario" n' a rien d'un sansonnet de compagnie. Il poursuit tout. Et tout le monde à la barrière. Plus carnassier que luzernovore. Incroyable. La pelea aux piques dit bien que, cette fête, "si no es brava , no es fiesta". 5 envolées 5. Guisando mugit là-bas loin.


Robleño , tout à l'heure vidé mais la plénitude dans la lymphe, n'y croit pas. Reprendre les trastos
Coño !
Il y  a un de ces "run run". Il s'avance. Que dis-je ! Ils s'avancent.
Ce qui survient alors est hors du récit. Luc bondit à chaque fois que le petit canard se retourne. Le torero cherche la boussole, la bougie, un antidote, le fil à plomb et un atelier de déminage et trouve. Il cadre l'animal et bascule l'épée en avant, le coeur au milieu, dans un silence étoffé par le bruit des doigts qui se frottent à nos yeux.
" En lo alto" la lame, dans le haut.
 "Canario" ne veut pas, ne peut plus, mais ne veut pas. Robleño l'accompagne, tente de le passer Ad Patres avec le descabello, épuise ses dernières forces. Le taureau, ce mythe, tombe dans le fracas divin. Un cratère où bouillonne mille sensations, voilà ce qu'est devenue notre arène. Le lait des mouchoirs monte, déborde. Un trophée après dix coups de descabellosLa corrida est grande et unique. 
Sur la vuelta même les "torerotorero" sin compas des ignorants nous font rire. "tO/rE/RO//tO/rE/RO" messieurs-dames, s'il vous plaît, du goût jusqu'au bout avec un maestro. Palsambleu.


On croit que c'est fini. Nenni.
 Galope "Cedido II"... "qui n'est pas de troisième main" plaisante Luc. J'aime bien voir des courses avec Luc. 
Je le regarde,  je regarde à nouveau " Cedido" , je regarde Julien , de nouveau "Cedido" qui embarque le ulhan sans ciller,  Rafa qui se "desmontère"... Un coup d'oeil vers deux trois aficionosophes dont les yeux pétillent même à 50 mètres, oui, "Este es un toro de bandera".
Va falloir être aux noces, Don Julian. Et elles vont être belles.
La hauteur de Julien cette fois-ci après l'effort de tout à l'heure ? Celle de l'intelligence, du cran et de la folie aussi. Au début il manque une passe à chaque série, celle qui permet qu'ensuite on s'enracine les talons des zapatillas, on pose la barbilla sur le plastron. Celle où le corps semble aussi lourd que la charge du taureau. Parce que "Cedido" , juuuyyyy, " Cedido" !!! Si on ne le doute pas, c'est un flux de limaille. Et un reflux. 
Finalement, le maestro se hisse à côté du seigneur. Les derniers instants ne baissent pas d'intensité et Julien, celui que je voyais à nos côtés -te acuerdas Fixou ?- à peine dépassant de l'herbe mal fauchée de la Peña Jeune Aficion donnant ses premiers muletazos, Julien plaque d'un coup d'épée  le point final de cette tarde tel un Tostoï tauromache achevant l'ultime phrase de "Guerre et paix".


On s'embrasse. 
Je me répète encore "J'aime bien voir des courses avec Luc". 
Un peu plus bas, un enfant de 7 ou 8 ans, regarde partir Jules et Robleño sur les épaules des capitalistas de fortune. Il me semble qu'il voudrait être l'un deux. Peut-être le sera-t-il ? 
Je ne sais pas.
 En tout, hein Fixou, ce serait beau si c'était grâce à aujourd'hui.


Voilà mon Fixou. On a déjà fait des choses ensemble, une cape de retienta dans les pognes tous les deux. Toi, tu te bats fort. J'espère que ma lettre te permettra d' echarte una mano.
"Al alimon" et pour longtemps.
Bise.


Ludo


Nb ; Photo de Loïc Dequeir piquée à Sud-Ouest.

1 commentaire:

Fix a dit…

Merci Ludo... c'est beau ce que tu écris. J'aime...