dimanche 16 novembre 2008

Archipiels 18 ( agujetas )



manuel de los santos pastor "agujetas" vit dans un cri. le sien.
il l'abrite derrière le derme granuleux de son corps. un moellon de résistance à tout équarrissage de la modernité prédatrice.
quand il est là, on a l'impression d'être à côté du premier homme modelé dans le limon de gaïa et ses dents en or plaqué je suis sûr qu'il les possédait déjà lorsque le ventre de sa mère l'expulsa.
terre et or bruts.
agujetas est de ces sans alphabet cher à pepe bergamin. parce que quand il fait irruption avec son chant cavernicole tout devient babélique. il n'y a plus d'entrave à s'entretenir de l'émotion primale qui nous étreint.
tout passe définitivement par les yeux. ils chiassent, ils pleurent, ils rient, se gondolent, s'esperpentent,se dessillent, ils s'étoilent, s'affolent, se convulsent, s'arrondissent, se désorbitent, ils s'allient à tout le langage universel des corps que le cantaor articule et désarticule à coups de marteau indicibles.
sur cette sauvagerie proverbiale tout a été dit. le documentaire de dominique abel , "agujetas cantaor", ayant d'ailleurs donné une dimension quasi mythique à l'héritier du "viejo".

ici c'est dans un martinete en mano a mano avec manuel moneo, que l'oeil de saura a réussi à l'encercler, à acorralarle. et là, il y a cet instant exceptionnel où on entend une sirène hululer au loin, crevant la ouate du plateau, les couleurs chaudes du décor,l'intimité forgée par l'empathie du lieu et des acteurs. alors les pupilles luminescentes d'agujetas s'agitent, il semble désemparé, il voudrait fuir, ne plus entendre ce qui la ramène à son histoire, lui, le dernier issu d'un peuple stigmatisé.
c'était en 1995. depuis, l'europe a remis le couvert sous d'autres cieux avec d'autres "agujetas" nés beaucoup plus à l'est de jerez.
pour eux, pour philippe, pour tous ceux qui vivent debout : "amono manue".



sur chaque moisson

un pas
de lande sèche

la trace
d’un visage

que tu as ligoté


ton étoile
de chair
dit

la nuée faible
ou l’autre d’une langue

l'œil
dans ton poing haut
semble traîner

le temps d'écrire
l’huile
dans la glaise

au vent
que tu as pris.


les feux
se couvrent
de fragiles craies

et froncent
ton silence


au second souffle de ce feu
il y a
secousse

sa flamme
halète

sur une hanche
d' ivoire brisé

la langue
se tait
dans l'incision

un infime suinté de sang
se prolonge
jusqu’au souffle de l'autre

jusqu’au poids de sa chair.


ludovic pautier (la mémoire des bris )


nb1 : j'ai laissé, par respect pour tout le monde, le martinete dit par moneo (otro monstruo ). la sirène c'est vraiment tout à la fin et il faut tendre les esgourdes.

nb2 : on fête cette année le centenaire de la naissance d' agujetas el viejo.

bn3 : sur la photo le tocaor c'est carmona. je méconnais l'auteur de l'objet.

3 commentaires:

Anonyme a dit…

Qué eco, Dios mío, qué metal, qué halarido, Ludo, qué 'mieo' me da todo.

La condesa de Estraza

Anonyme a dit…

Me alegro

Anonyme a dit…

Je ferme les yeux...

Merci à toi