mardi 25 novembre 2008

Sous la force d'un rêve


22h48.
il est tard. tard ?
je ne sais pas. tard pour prendre le temps de penser à lire, penser et écrire sur le souvenir d'un être qui décida de disparaître par lui-même il y a maintenant 17 années de 365 jours un quart chacune ?
le ciego a peu de choses à conter ou à réveiller pour parler de christian montcouquiol.
j'étais dans une voiture en route pour salies-de-béarn, pyrénées atlantiques, quand j'appris la nouvelle de son suicide par la radio.
il faisait froid dans cette carcasse métalisée au mauvais chauffage, dans cette nuit de novembre trainant, mais les larmes réchauffaient mon cou en passant sous le col de la gabardine.
il y avait quelqu'un à côté de moi qui ne comprenait pas.
je ne comprenais pas non plus pourquoi ces larmes étaient chaudes et m'envoyaient des frissons.
quand nimeño II retomba en fracas sur le sable des arènes de la tour sarrazine en septembre 1989 j'étais aussi ce jour-là à salies. pour la fête du sel. la fête du goût des larmes. la fête sauvage.
on oublie souvent de se traduire cette image métaphorique de la tauromachie jusqu'au bout.
christian est allé jusqu'à cette extrémité. il l'a côtoyée au plus près, il l'a désirée, il l'a érigée en sens de sa vie, il l'a endurée. il en est mort.

son frère alain a certainement écrit deux des plus beaux ouvrages de la littérature française pour raconter ce sel lacrimal.
il dit le voyage de chacune des larmes qui sont tombées ces deux jours-là et au-delà du temps.
voyage d'amour, de désespoir.
d'où viennent nos larmes , salées come la mer où gisent nos sédiments les plus anciens ?
voyage des origines.

il est tard. mais j'ai pris le temps de bivouaquer chez marc delon. il y avait là un beau texte de jean-paul mari avec ceci :

"Il était mince et fragile, comme un adolescent qui vit son amour mais ne sait pas en parler. Aux autres les discours, les analyses et les envolées ; lui vivait le mythe taurin, brut et sans recul. On l'aimait, parce qu'il était celui qui portait le rêve."

il est tard. je cherche le "discours de la taverne" d'olivier.
il est tard. je fouille dans le fatras mémoriel d'une bibliothèque mal rangée comme mes souvenirs.
mais je ne le trouve pas.
j'ouvre alors un vieux texte. écrit en pensant à un homme tombé sous une balle et à un autre sous la force d'un rêve.

"qui n' a rien vu entendu sourdre et éclair
comme gifle latent tenace pas indolore
seule trace sa résonance t'oblige à voir
piment en mince filet d'eau presque froide
tu sais traque des espaces émietter le sang
lait visqueux à la hâte abondante
rimmel paupière
de bas – ventre

tu souffles calme
calme est dans tes yeux
a la couleur blanc calme
répand systole

tout est dans la suite

qui la connaît
monte son gibet
accroche aux murs mots de lèpre du monde
scierie en apesanteur

cris

main ramasse chair dans copeaux
moins dans le bois des tripes
roue le sillon se démonte
éberluée sous lie de l' étamine

tu meurs et c’est
couvrir vent
avec glaise
des mots vécus

c’est sentir sous la cendre
le nu de ton halo"


ludovic pautier ( la fenaison des yeux clos )


nb1 : la photo est de jean-bernard reynier.

9 commentaires:

Anonyme a dit…

Le poeme est intemporel

Marc Delon a dit…

a gusto.

velonero a dit…

il y eut un grand cri
de la foule unanime
et ton corps disloqué
est retombé au sol

tu venais d'ouvrir
la grande porte de la nuit

j'ai essuyé ta bouche
souillée de sable et de silence
et j'ai vu ton regard s'éteindre

oui
je te reconnais

c'est bien toi qui torées
au centre de la lune.

Olivier Deck
( derniers vers du discours de la taverne)

Ludo, il va falloir que tu mettes de l'ordre dans ta bibliothèque.

Anonyme a dit…

sûr, ...
et que le deck repompone son site, le "discours" étant innacessible pour le mettre en lien (on reste bloqué sur les 3 derniers ouvrages ). je me suis rabattu sur un truc du style "amazon.com". la honte, quoi !

ludo

velonero a dit…

Ludo, ton poème est très bien, il me fait penser à du Teri Alves (tu connais?).

Anonyme a dit…

non, je ne connais pas du tout teri alves.mais j'ai googuelé depuis et j'entrevois.
sa "portugalité" , son écriture me le donne pour proch, c'est sûr.
tu le connais perso ? parce qu'il est un peu comme moi, confidentiel on dira. ce qui ne va pas avec non substanciel. au contraire. il y a un site où il est référencé (écrits-vains) qui a publié quelques-uns de mes textes.
si tu le connais, pourquoi ne pas lui faire passer le lien ?
par contre son activité blog ou site perso semble en sommeil...à creuser.
merci, en tout cas.

ludo

Mathieu Sodore a dit…

En effet l'écriture de Teri Alves présente quelque communion avec celle de Ludo. Relativement à la "porugalité" évoquée par Ludo (Teri Alves, outre ses origines lusitaniennes, revendique entre autres influences celles de Pessoa, Ramos Rosa ou Jorge de Sena) une belle nouvelle pour les amoureux de poésie et de Lisbonne: cette semaine vient d'ouvrir une librairie entièrement consacrée à la poésie ( il existe à Porto la "Poetria" mais qui s'intéresse également au théâtre). On y glane des livres en portugais et dans beaucoup d'autres langues, des recueils et des revues, des nouveautés et des collectors, bref un petit paradis avec jardin et bougainvilliers en prime dans un des quartiers les plus charmants de Lisbonne. Le lieu s'appelle Poesia incompleta (un clin d'oeil à un poème de Herberto Helder"Poesia Toda") rue Cecilio de Sousa, nª11, entre la place du Príncipe Real et la "Praça das Flores".Donc prochain week-end à Lisbonne au lieu d'aller voir le plus grand pont ou le plus grand centre commercial d'europe un tour dans l'une des plus petites librairies de la capitale s'impose!
Um abraço

Mateo

velonero a dit…

Non, je ne le connais pas personnellement, uniquement par internet sur lequel il se fait rare actuellement; comme tu as pu le constater son blog poétique est arrêté depuis quelque temps déjà.

Anonyme a dit…

le portugal peut s'ennorgueillir de posséder des maisons d'éditions et des lecteurs de poésies dans une mesure supérieure à la france.
mais le portugal est poésie, alors...
bon ,alors on pourrait profiter de ce nouveau lieu à lisbonne pour fomenter une insurrection poétique en vue de la prochaine temporada.
une sorte de contre-remise des trophées de la tauromachie spectacle pensée par luc besson associé pour notre , forcément, bonheur non refusable au publicitaire christophe lambert,"aficionado" vendeur d'opium publicitaire.
"la tauromachie incomplète".
mais nom de dieu ,quel titre !

ludo