vendredi 30 juillet 2010

Pleins d'espoir rouge





My dear ludo,


merci pour ta lettre toute d'amitié et de délicatesse. Ce sont des luxes que j'apprécie au plus haut point.


Retour un peu difficile donc, retard au départ de Tana, correspondance qui saute bref près de 40 h après avoir quitté nos amis, notre « famille » de là bas, retour à Dax, où m'attendaient ma grande fille et ma petite fille.


Je n'étais pas là et mon vieil ami de 98 ans est mort, celui qui un jour que j'étais dans l'embarras pour un commentaire de texte, m'avait sobrement indiqué que « le commentaire de texte est un don de soi ».Il avait le sens du raccourci, la dent toujours dure envers les médiocres, mais l 'amitié indestructible pour ceux qu'il aimait.
Il faisait plutôt froid à Tana, sur ses hauts plateaux. La route vers Majunga est longue et de peu d'intérêt, comparée à la sublime route de Tulear ou de Manakar ou de Foulpointe. On y voit beaucoup de zébus et notre ami Mamy, intarissable sur le sujet, nous racontait des histoires de voleurs de zébus. On y voit aussi, sur une centaine de kilomètres une multitude de gens qui lavent la terre rouge pour en extraire de l'or. Tous, enfants y compris, se déplacent avec leur plateau de métal sur la tête, ça fait chapeau aussi. Alors ils creusent un peu partout, puis portent la terre à la rivière la plus proche. Les plus nantis ont des brouettes, les autres portent des sacs pleins d'espoir rouge.


A Majunga, le rues sont larges, la ville est plutôt bien organisée, normal c'était la ville de Tsiranana, le premier Président après le départ des français. Il y a un beau lycée aussi, une jolie promenade en bord de mer où les gens viennent manger des brochettes de zébu. Je te dis de suite, que ce truc c'est pas pour les estomacs de Vazahas.


Nous avions un bungalow physiquement sur la plage à l'hotel. C'est à dire qu'au lever, je pouvais me trainer jusqu'à un abri équipé de deux fauteuils de plage et assister au spectacle du jour qui naît. Parmi les roses, les mauves doux, les bleus tendres, le murmure du Mozambique le soleil pare d'or la cime des grands « filaos » de la plage et s’effiloche en gerbes tendres aux pointes des cocotiers. Moment magique, amigo.


Alors j'ai beaucoup lu dans la brise du matin, avant que le soleil ne soit trop mordant, avec ses plus de 30 degrés de l'hiver austral de Majunga. Un magnifique Javier Tusell qui explique toute la si déterminante période de 98 à 1931 en Espagne et bien sûr par petites goulées « los diarios completos» de Don Manuel. Je peux te dire aussi, que du même endroit, j'ai admiré les couchers de soleil qui commencent par une symphonie de bleus, de mauve, de rose, pour s'achever en apothéose sanglante dans la mer. Je pensais bien sûr à un dos de toro. Indescriptible et stupéfiant.


Majunga, c'est un port et un cul de sac. Il n'y a pas de route, et finalement peu de choses à voir alentour. Mais les plages sont sublimes. C'est une belle alanguie blanche sous la lumière crue et les ardeurs d'un soleil carnivore, avec de belles avenues droites. Le soir cela s'anime, à la fraicheur relative, après que la ville se soit lovée dans son écrin de pourpre sanguine. Les gosses rient de toutes leurs dents de perle et te disent « salut vazaha ». Je pense toujours qu'ils se foutent de notre gueule, Mamy dit que non. Rien à voir avec l'ambiance lourde, quasi menaçante de Tulear. La misère est ici plus assumée et souriante, Mamy dit que les gens mangent mieux qu'à Tulear.


Des Vazahas d'une cinquantaine bien tapée, se trimbalent dans d'énormes 4X4 rutilants, sont d'une arrogance incroyable et se trainent avec des jeunes filles, très jeunes, qui entrent dans les magasins en se frottant à eux comme des chattes. Petit cadeau, sûrement! Mamy me dit qu'à Tulear et à Morondava, mais aussi dans le grand Sud, difficilement accessible, ce sont souvent les pères qui proposent les fillettes ou les garçonnets à de gros porcs, qui pour accéder au cul de sac de Morondava, par exemple, acceptent de se farcir 4 à 5 jours de piste. Personne ne les y emmerdera, à ces vaillants explorateurs.


Ici, c'est la dernière chance souvent, pour quelques ringards arrogants. J'en connais un qui s'est fait plumer par d'autres Vazahas et devra envisager le voyage retour, sans avoir pu investir son argent dans des bars à putes. Chères, les places, ce monde est d'un cruel !

Un ami malgache est chef d'un Service à l'Hopital de Majunga. Il avait fait une spécialisation ici. Il aurait pu s'installer en France, il préfère travailler pour son pays. A l’hôpital tu dois amener tes draps, parfois ton matelas, payer les médicaments et la bouffe, et les chirurgiens en cas d'intervention. Dans le meilleur des cas la famille se cotise, sinon, hé bien « inch allah ». La médecine ici et la chirurgie ressemblent à ce que devait être la chirurgie des champs de bataille, faute d'équipements. On se démerde donc, comme toujours!


A Majunga, il y a la plus grosse densité de musulmans de Madagascar, des mosquées. Les Karanas tiennent le haut du pavé, avec les indiens. Ils excellent dans l 'immobilier et le commerce. Les comoriens, nombreux, constituent la caste basse.


A Tana, en arrivant, nous sommes passés sur la colline du Père Pedro. Il était en Europe. L'UE aurait suspendu la fourniture des 200 tonnes de riz qu'elle lui fournissait. Il lui faut une tonne par jour pour ses cantines. Au retour, nous n'avons pas pu, le 26, assister à sa messe car la mère de nos amis était malade et nous n'avons pas voulu demander qu'on nous conduise chez le pirate, sur sa colline, et puis, nous devions prendre l'avion dans la nuit. Elle a 92 ans, une tête de vieille squaw. La famille s'est agglutinée autour d'elle. Ils sont 9 enfants, profs d'université, juges, ingénieurs, et Mamy, le petit dernier. C'est aussi notre famille de là bas, et nous avons partagé leur inquiétude.


Le 24, comme chaque année, ils avaient organisé une fête pour Mathilde, pour son anniversaire. Nous leur avions donné carte blanche, alors ils ont loué un restaurant, installé un sonorisation pour faire de la musique et un karaoke, ils se sont démerdé pour dégoter un PC. Ils avaient aussi amené des guitares. Nous avons chanté, dansé, bouffé et bu. Ils ont un talent incroyable pour profiter de l'instant présent. Pour la première fois de ma vie, j'ai chanté en karaoké, Mathilde évidemment, du grand Jacques. Ce fut une belle fête, de joie simple, d'amitié, de sincérité, de bonheur partagé. Ludo, tu sais, on ne revient pas intact de là bas, je veux dire que tu y apprends le relatif et l'éphémère des choses, ainsi, s'il en était besoin, de l'ineptie de certaines de nos certitudes de nantis.


Alors que nous nous inquiétions pour la vieille squaw, j'ai bien sûr pensé à vous, alors que Mont de Marsan ne m'était pas venu à l'esprit. J'ai imaginé assez exactement ce que tu décris, pour la qualité de l'amitié. De retour, je me suis rué sur le journal pour lire Zocato. Je suis heureux pour Xavier qui a choisi la voie la plus difficile, mais aussi pour toi et Bernard, vous le savez, je pense. Étonné aussi que Madame Douleurs se soit déplacée. Je suis sûr que les toreros ont fait au mieux de leurs possibilités, car la dame est sans indulgence pour ceux qui passent à coté de ses toros. Par contre, je ne suis pas certain que je me serais levé pour la minute de silence!


Voilà mon Ludo, la vie reprend. Barcelone a voté et je suis consterné par les conneries que je lis. Mais je n'ai pas envie d'en parler ici.


Abrazo


Ps : pour le ravitoto, Mamy appelle ça le « caca de zebu ». L’aspect des feuilles manioc est celui d’une bouse de zébu dysentérique, mais c’est très bon pour la santé dit t’il. D’ailleurs, il n’en mange jamais, et encore moins dans ces redoutables « hotely ».

addenda : voilà. le ciego baisse le rideau de la barra de pinchos pour au moins 3 semaines y pico. heureux que cela se fasse sur cette belle réponse de Chulo. des bises à sa Mathilde avec un peu de retard sur le calendrier. je pars avec Jean-Paul Michel, Pirotte, Chaves Nogales, William Blake et Sanchez Ferlosio. Pour guérir quelques blessures, boire des gorgeons à l'amitié en madrid, taper du poing dans l'écume et sniffer le chirimiri avec Morante et los grises du paleto de Galapagar. je vais me gaver de fuet et de butifarra, me saoûler la gueule au Priorat, , siffler l'Estaque la vitre ouverte, porter mon caleçon aux couleurs de la senyera , apprendre par coeur deux ou trois poèmes "subnormales" de Montalban, écrire sur des cartes postales avec des repro de Tapies et pleurer en écoutant Duquende por solea, Serrat et Camaron chantant la saeta ambos,  et Mayte Martin quand elle sussure :

"Me avisaron a tiempo: ten cuidao!
Mira que miente más que parpadea
mira que por su modo y su ralea
es de lo peorcito del mercao
y son muchos ya los labios que han besao
y a lo mejor te arrastra en su marea
y después no te arriendo la tarea
de borrar de tu mente lo pasao
Ten cuidao, ten cuidao!
Pero yo me metí por tus jardines
dejando que ladraran los mastines
y ya bajo la zarpa de tus besos
sin miedo de morir en la aventura
yo me colmé de tu boca con locura
y me caló tu amor hasta los huesos"

os dejo con ella...besos y abrazo a tod@s.

3 commentaires:

kaparra a dit…

Bonjour monsieur Ludo,bonito atardecer.
Un saludo

El Coronel a dit…

Ludo, aunque con mucha dificultad, como tu sabes, he traducido la carta, perdiendome, supongo un monton de matices, y, es increible como describe los lugares, y las situaciones, supongo que El Chulo.
Lo de maite Martin, es increible. ¡joder, que buenas es!
Ya de vuelta de Malaga, medio recuerdo aquel cante que decia, mas o menos asi:
En Malaga te conoci,
en el Palo te besé...
y aqui me paro, porque no recuerdo bien lo de La Caleta.
¿recuerdas Ludo, la letra completa?
Salud

Ludovic Pautier a dit…

señor Kaparra, gracias por pasar.
el atardecer es de madagascar, la isla querida del chulo.y si esta vd en aste nagusia, a pasarlo bien.

mi coronel, no me acuerdo de la letra pero si de otra que dice :
la trempilla que tenia
la pago en esta ocasion
la trampilla que tenia
la he recogio en las breñas
la pegue en mi corazon
y me salio malagueña.
un abrazo fuerte y gracias por la noche en la concepcion, barrio flamenco donde los haya y que pocos como tu saben valorar.

ludo