jeudi 25 août 2011

Carte postale 2


A Madrid , vois-tu, il y avait moins de monde qu’à Venise. Mais , proportionnellement autant de güiris. Et puis des indignés. On a juste suivi la queue de la comète policière qui balayait derrière eux cherchant à retrouver Sol, se rabattant sur d’autres campamentos plus hospitaliers. Il y avait presque autant d’hélicoptères dans le ciel de nuit que de taxis Gran Via. Qu’est-ce que ça sera le jour où ils seront révoltés.
A la Venencia , rien n’est plus pareil, tout a changé…non, je déconne.
Au 21 calle de la Cruz, Toni revenu de vacances éblouissait, autant que les feux sous sa plancha. On a abusé des abats et des photos de Julio Robles. J’ai laissé choir un peu de sel  lacrymal dans ma cañita. A cause des photos. Plus tard, ailleurs,  on a siroté du gin-tonic au concombre. J’ai pensé , tu t’en doutes, à Angel. Il se dore la pilule sur la costa del Sol, largando avec ses amis de la trinchera malagueña. Heureux jubilateur.Pas vu non plus Carmen. Ils nous ont manqué.  C’était bizarre: Madrid , l’été, et pas eux, aussi bizarre que si Chicote s’était volatilisé ou bien si on avait changé de place la statue de Bienvenida .
Tiens, Las Ventas, on y est allé. Frascuelo, Andres Palacios et confirmation de Raul Velasco. Toros de Jose Luis Pereda. Plutôt encastée la course. 8 € à la sombra d’accord, mais deux heures de queue au guichet et le premier bicho escamoté. La plus grande arène du monde. En ce qui concerne la laideur picturale du cartel c’est vrai. Une belle mouise ( en fait une repro dégeu d’un tableau de Cesar Nuñez, plutôt pas mal, lui, sur la repro on dirait un biou pour Hermoso de Mendoza, les pattes dans de la colle ).
Carlos Escolar avait soigné son jabot, sa faja et ses trincheras. Comme toujours. Pourtant  là, il fut résolument du côté d’une toreria patinée, presque sous globe, mais alors avec un ressort ! et de l’animo, de la chaleur : Le torero sur la télé en N&B de Mamie Albertine en pleine action.  Carajo, quel cabot et quel torero. Palacios fut à la fois transparent, profond et incapable. Pas en même temps, heureusement. Il laissa trois séries de naturelles à se mettre sous le mouchoir pour cet hiver le sortir et hop ! juste avant de se moucher a ver si je me rappelle comment il a fait Andres de mi arma, parar, mandar , templar y recoger. Sous l’œil bien entendu inquiet de mes voisins de conseil d’école. Il me tarde. Raul Velasco , digne, sobre et avec l’idée de suivre Frascuelo. Ce qui est une bonne idée. Enfin, pour moi, Luc, tartampion et puis c’est tout, en gros. Pas pour faire fortune. Comment lui dire qu’il faut qu’il persévère -juste pour notre hédonisme-  sans qu’il nous déteste, Tartampion, Luc et moi,  un jour ou l’autre le Raul ?

 Le soir Helena et Sita étaient plus que belles. Gracieuses.  JJ avait fait un arroz. Il a pris des cours tu sais. Des cours d’arroces ! formidable ! c’est à croire en dieu ! ce fut effectivement divin. Jean-Marc  avait fait préalablement un tour chez Lavinia - La Tintoreria était closed-  et on a bu du Cheverny de chez Villemade, un Clos des Fées ( eh , Les Sorcières, pas la Sibérie, t’es pas fou ) de tonton Bizeul, un  Morgon de Foillard, et des tas d’autres trucs. On avait pas envie de savoir si les vignerons espagnols font moins qu’avant pousser des chênes en plein milieu des rangs de vignes. Pas envie d’être décus, quoi. Et pourtant , tu me connais, je dois beaucoup à ce pays. Tiens, en guise de paraphe, un p’tit tour d’érudition  chez Yourcenar (plus ça avance et plus je l’effeuille la Marguerite et plus je crois que je vais m’arrêter à "passionnément" ). Lis cela : « Le vrai lieu de naissance est celui sur lequel on porte un premier regard intelligent sur le monde ». C’était il y a 30 ans maintenant, mais je sais que pour moi ce fut là, comme aujourd’hui, sur cette terre avec une peau de taureau.

mercredi 24 août 2011

Carte postale

Venise. Ah ! tu sais, Venise. Tu m'avais demandé de te rapporter si effectivement ,c'est un bel endroit pour mourir...Tu me connais, j'ai d'abord cherché dans les livres.Thomas Mann ayant déjà fait trépasser Gustav en son sein, La Sérénissime « est un tombeau » dixit Dominique Paravel ( « Nouvelles Vénitiennes » / éd. Serge Safran ).Normal. Y flotte aussi l’ombre de Perros, sa pipe peut-être, dans «  la nuit bleu mauve » (« Venezia et retour » / Papiers collés 3 / gallimard coll. L’imaginaire ).  
Et là-bas, me diras-tu ? là-bas Victoria nous a descendus dans sa barque.
« il y a beaucoup de femmes gondolières à Venise ?» « une » « et combien y a-t-il de gondoliers ?»  « trop ».  Puis elle a glissé sur les clapotis en écailles du canal.
Tu vois ? imagine plutôt Venise, poisson serpentin des princes noyé dans le nard du Spritz. D'ailleurs, ne pas se saouler ici est une gageure. On peut même y boire son ombre.
Comme on peut aussi se perdre à jeun, à Venise les hommes, les femmes et leurs enfants, tous ces venus du monde entier pour se la faire, « la tentation », vont en purée humaine fluer et refluer au gré des heures dans un parcours millimétré. Alors, pour sûr, on peut , on doit s’y perdre, il le faut. Chaque nom de rue, chaque coin de campo, chaque môle ouvrant sur l’eau est un évanouissement mélancolique des repères. Un flottement permanent des convictions, parfois même leur disparition. Tu t’en fous, il y a la tutelle du grimaçant fixé au pied du campanile à Santa Maria Formosa qui te tire la langue quand tu pars suavement dans le sillage des espadrilles de Sébastien pour lamper du Ripasso dans des verres à donner le roulis ou sucer des Bigoli in salsa et que s’empilent des goûts d’anchois et d’oignons jusque sous les paupières.
Après cela , comment ne pas se caresser sous les ponts ? on ne l'a pas fait. Essaie, toi, le dernier soir, il y en a un dont la voûte est constellée des parfums et couleurs de l'innocence, c'est à dire de chewing-gum, cette entrave à la langue des amants. 
Voilà, tu le comprends mieux ahorita, pourquoi nos artistes ont raison : Venise est en effet un bon endroit pour crever. Même si c’est aussi la ville où tu ne verras pas un pneu du séjour.