mercredi 24 août 2011

Carte postale

Venise. Ah ! tu sais, Venise. Tu m'avais demandé de te rapporter si effectivement ,c'est un bel endroit pour mourir...Tu me connais, j'ai d'abord cherché dans les livres.Thomas Mann ayant déjà fait trépasser Gustav en son sein, La Sérénissime « est un tombeau » dixit Dominique Paravel ( « Nouvelles Vénitiennes » / éd. Serge Safran ).Normal. Y flotte aussi l’ombre de Perros, sa pipe peut-être, dans «  la nuit bleu mauve » (« Venezia et retour » / Papiers collés 3 / gallimard coll. L’imaginaire ).  
Et là-bas, me diras-tu ? là-bas Victoria nous a descendus dans sa barque.
« il y a beaucoup de femmes gondolières à Venise ?» « une » « et combien y a-t-il de gondoliers ?»  « trop ».  Puis elle a glissé sur les clapotis en écailles du canal.
Tu vois ? imagine plutôt Venise, poisson serpentin des princes noyé dans le nard du Spritz. D'ailleurs, ne pas se saouler ici est une gageure. On peut même y boire son ombre.
Comme on peut aussi se perdre à jeun, à Venise les hommes, les femmes et leurs enfants, tous ces venus du monde entier pour se la faire, « la tentation », vont en purée humaine fluer et refluer au gré des heures dans un parcours millimétré. Alors, pour sûr, on peut , on doit s’y perdre, il le faut. Chaque nom de rue, chaque coin de campo, chaque môle ouvrant sur l’eau est un évanouissement mélancolique des repères. Un flottement permanent des convictions, parfois même leur disparition. Tu t’en fous, il y a la tutelle du grimaçant fixé au pied du campanile à Santa Maria Formosa qui te tire la langue quand tu pars suavement dans le sillage des espadrilles de Sébastien pour lamper du Ripasso dans des verres à donner le roulis ou sucer des Bigoli in salsa et que s’empilent des goûts d’anchois et d’oignons jusque sous les paupières.
Après cela , comment ne pas se caresser sous les ponts ? on ne l'a pas fait. Essaie, toi, le dernier soir, il y en a un dont la voûte est constellée des parfums et couleurs de l'innocence, c'est à dire de chewing-gum, cette entrave à la langue des amants. 
Voilà, tu le comprends mieux ahorita, pourquoi nos artistes ont raison : Venise est en effet un bon endroit pour crever. Même si c’est aussi la ville où tu ne verras pas un pneu du séjour.

3 commentaires:

el Chulo a dit…

quel beau retour mon ludo.
en plus on me dit que Morante a été Morante!
enhorabuena pour ce magnifique texte.

ElBisonFuté a dit…

se perdre dans Venise un soir d'hiver en plein brouillard...quel doux souvenir que ce texte a réveillé

Ludovic Pautier a dit…

Morante...j'irai bien boire un coup avec lui à "la mascarata", en hiver, dans le brouillard. une fois saoul il donnerait trente secondes de toreo de salon avec la nappe à carreaux.bison et chulo, vous seriez invités, claro.dire que j'avais prévu d'aller à cette course...
abrazo a los dos.