jeudi 14 juillet 2011

La terre promise

C'est un des matins
baveux, où se joint à la nuit
encore maquillée la salive du jour proche.
le sang de Lebrija marche à côté de moi,
met la clef et démarre.
j'essaie d'arranquer avec cette voix des aurores
et en donnant des coups a compas sur la bakélite du volant
una buleria pa'escuchar
en plissant les yeux pour me souvenir de Jose Valencia
tout à l'heure.

Pour écraser la cervelle
du duende, lui, Jose,
tapait du plat
et du poing de sa main gauche
sur le mostrador de la peña.
les filles éblouies
derrière avaient cessé de glisser les glaçons dans les tubes des verres où ambraient les whysky.
c'est le "Tana" qui avait lancé la sarabande.
 un gitan de la Vienne,
si modeste
que son cousin lui en veut
de ne ramoner la suie de sa gorge de cantaor jondo
que trop peu souvent,
seulement aux comptoirs,
à des heures impossibles,
celles où les payos qui proposent des contrats sont couchés ou morts-saoûls.
les premiers jaleos de vérité ont surgi.
alors
à l'autre bout de la pièce, une autre voix s'est cherchée la vie,
comme l'étoile d'une vitre frappée par un lanceur de pavé.
"El Trini" derrière ses lunettes en cul de chopine regardait dans la direction du maestro,
autrefois Joselito aujourd'hui Jose.
Jose,
el de la Casa irriguée par le jus des raisins de Jerez
de Los Valencia de Lebrija
 celle de son oncle Luis,
de Manuel de Paula,
de sa mère Ana et de la Rumbilla
de tant d'autres.
"El trini" a visé juste et fort.
Jose ne peut que lui rendre hommage, lui dire la pareille 
le défier à son tour. 
les chariots des letras tordues dans le filin de ses lèvres
portés par nos coups de"olés"
prouvent
que le coeur est un muscle.
son chant, c'est un coup de bâton sur la mer rouge.
quand il le referme, nous sommes engloutis.

Le moteur  ronronne en bas dans le jardin où je me suis garé.
je devrais
aller me coucher, je n'ai plus une seule buleria prise dans le larynx.
alors quoi ?
rien,
je reste juste à savourer cet instant,
le moment où le primo du Tana m'a alors pris le bras et m'a glissé :
" je crois que nous avons aperçu la terre promise".

Mont-de-Marsan/Pessac/juillet 2011

4 commentaires:

Marc Delon a dit…

Magnifique. Resena aussi remarquable que ce qui l'a suscité.

Maja Lola a dit…

Et vous nous faites savourer plus que l'instant de la buleria prise dans le larynx.
Votre beau texte rythmé par le flamenco de ceux qui nous l'offrent en nous transmettant el escalofrio est un pur bonheur. Le duende est là, omniprésent, magnifié et restitué aux lecteurs que nous sommes. Merci.

El Coronel a dit…

Como siempre compadre:¡¡¡genial!!!

Salud

Ludovic Pautier a dit…

merci de vos commentaires encourageants. ce fut vraiment une grande noche de cante, celui des ombres et des luttes. le flamenco d'après le flamenco.
gracias Angel por tu commentario. fue reamente una noche de cante grande, el de las oscuras y de luchas. el flamenco depues del flamenco.