lundi 31 août 2009

A mi pueblo con el corazon


( aux bernards, el chulo y el campogrande)

on est là.
à buitrago del lozoya.
devant la porte du musée Picasso.

on vient de recevoir des noticias de la sarabande taurine du mois le plus auguste.
on dirait d’ailleurs un carnet de campagne impérial : ocho orejas en gijon, apoteosis en huesca, cumbre en el puerto…la fiesta va bien !
on clique sur des photos, on jette un coup d’œil sur des vidéos, on tourne les pages des reseñas du bout des doigts.



la réalité , même déformée par le taurinismo à tout crin, semble pourtant évidente. paillettes, futilités, mundofeliz, hypocrisie, toros de mazapan, toreo del destorear…toujours la même faena avec toujours le même animal.
ronde de l’infinie cruauté de la répétition du lavage d’aficion.
on détourne le regard des cornes desmochadas, de la pauvreté de la lidia, des tercios de piques absents ou calamiteux, des pases rematées por fuera, de la jambe en retrait, des circulaires en forme de trous noirs insondables , des culerinas inconsistantes, des stéréotypes, des standards, de l’ennui. avec certainement quelques pépites sensorielles par-ci, par-là, on en convient.

mais ce fatras ! cette marmelade !



on reste ébahi devant l’abîme qui sépare le compte-rendu officiel dont la dithyrambe , au mieux, et la complaisance, au pire, sont les marqueurs et les pages acides, virulentes, révélatrices et démystifiantes des blogs et autres sites passés à la résistance des tranchées aficionadas.

on est là et las…



mais à buitrago est né Eugenio Arias.
combattant anti-fasciste des deux côtés des pyrénées pendant 9 ans. En 1946 il s’installe à vallauris, alpes-maritimes.

un jour, dans son échoppe devenue siège du parti communiste espagnol local en exil , débarque un client pas tout à fait ordinaire puisqu’il a peint « guernika ».
une amitié, née pour cause de mal à l’espagne réciproque jamais démentie et riche , démarre.
après le retour de la démocratie dans son pays natal, Arias fait don de sa collection de céramiques, encres, dessins, affiches…à son pueblo de naissance.
avec l’aide de la communidad de l’époque s’est alors mis en place le plus simple et le plus émouvant des musées consacrés à l’ogre de la peinture moderne.
Arias , lui, reste à vallauris.
depuis un an il y est même définitivement, puisqu’enterré. enveloppé d’un drapeau rouge , or et violet.

que en paz descanse.
on pense très fort à lui.
midi.
ce sont les fêtes qui démarrent à buitrago.
pregon, pasacalles, limonada, encierro, festival taurino, verbena, orquestra "platino", grupo "kalifornia"...
nous, on descend dans les entrailles de la confraternité.



entre les vitrines de ce musée de poche, on est soudain frappé.
frappé parce que tout à coup el de malaga , ce malin, retors et moqueur, semble avoir joué au prophète de la religion des taureaux.
d’abord, on réfléchit à la genèse de cette petite merveille.
au chaos initial.
A Arias.

Arias avec qui il se lie et qu’il emmène avec lui a los toros, passion commune.
Picasso avait choisi Arias comme topique de cette espagne qu’il avait au ventre et qui lui manquait , à la pachydermie franquiste telle, qu’elle lui échappait des mains autant que des yeux.
profession du sieur : barbero.
on devine la prémonition.




agacé par ce détail, on déambule. on tourne, on vire. quelque chose prend forme. l’oracle est éparpillé mais il constitue comme un résumé d’une novela negra de raul nuñez, un story-board concis et parfait d’un wild western de sam peckinpah.
les preuves ? les voici.





la fiesta, violentée par ses propres enfants, accouche de six petits taureaux frits qu’on s’envoie arrosés d’un bon coup de bibine pour faire passer le tout et oublier.
ce pourrait être le titre à rallonge de ce triptyque.

on sort de buitrago. on est estomaqué.
la route permet de digérer le coup.
quand même. Picasso devin. le génie clairvoyant semant des énigmes dans un bled au pied de somosierra.

et le charivari qui continue : bochorno en dax, saldo ganadero en malaga, desastre en el botxo
avant la semonce de buitrago, je n’avais cessé de penser à comment supporter cette caisse de désespoir, fardeau de triomphes d’oreilles prédécoupées à la chaîne et mises en boîte « abre facil » .
fallait-il forcément se contenter de trois capotazos et une série de derechazos macérés dans un jus de guadalquivir et conservés jalousement par un torero de la puebla ?
le toreo n’est pas une conserverie de luxe. ni même un musée en titane. fuissions-nous à bilbao.

buitrago, Picasso, Arias. on y revenait.
toujours.


puis sont venus les jours que je préfère : ceux de l’été qui amorce sa rupture.

une délectation.
les plus belles lumières d’une aquarelle au jus de pamplemousse noyée sous un vent de maraude. une obstination diurne dans un soir de rivière lazuli, cette flânerie au-dessus des estampes de pins sans-têtes.
comme en ce moment.

il y a une heure environ les yeux scintillaient à l’unisson des ors de la chaquetilla de Juan Del Alamo qui en finissait avec son tour de piste encombré de casquettes, de châles et de fleurs.


la señora ganadera de baltasar iban rougissait sous l’ovation.
on avait vu une tarde de toros.



six morsures de caste, grande caste, étaient sortis des chiqueros du plumaçon en l’honneur du saint du jour : perdon.
oui, perdon, pardon.
pardon pour ces novillos qui ne trouvèrent sur leurs sillons, hormis Juan, que des planteurs de navets.
sur l’échine de ces taureaux un frisson, unique, qui ne demandait que deux choses pour s’apaiser : pelea y papeles.
seul le peuplier y a pris racine.
et sous son feuillage l’aficion pouvait se rafraîchir.



Alors la mémoire rembobine.
idem à saint-sever une semaine avant.
il fut question de taureaux qui nous mirent saoûls, « gris » comme leurs poils.
c’était bien eux qui nous avaient donné à la régalade le « porron » des émotions.
nous étions sortis transportés. malgré la blessure terrible d’Oliver. à cause aussi de cet air qu’a Mario Dieguez de dire, quand il vous fait confondre sa poitine et sa muleta tellement il les avance ensemble : « mira, para mi el modelo es Morante, pero en el espejo , soy yo ».



voilà. les idées sont plus claires.
c’est la fin des vacances et il faut faire un tri.
Picasso n’annonce pas le chaos, il nous prévient.
quant à Arias, c’est certainement lui le vrai génie. d’ailleurs , Eugenio…
écoutons-le alors :
"me lo querían comprar todo los japoneses y los alemanes, pero a mí no me mueve el interés, se lo he dado a mi pueblo con el corazón". *

* c’est aussi, cette conclusion, un clin d’œil à tous ceux qui ont trouvé juan del alamo un peu « pueblerino ». hier, il a dit avec son corps, son capote, sa muleta et son épée la même chose que le coiffeur de don pablo.

nb : les photos...la 1 est tirée du blog municipalde buitrago. la 2 du blog de rosa jimenez cano et les 3 et 4 de celui de l'équipe de malaka. la 5 c'est le bandeau du museo. la 6 a été trouvée sur un wikimachinchose consacré à Arias. les 7, 8 et 9 sont tirées su catalogue du même museo. la 10 et la 11 proviennent du site terres taurines et l'ultime quant à elle je l'ai "péché" sur "los sabios del toreo" .

jeudi 27 août 2009

A saint perdon



saint-perdon
les cendres

mais l'aficion est un phénix.


le moun
offre une plume
de renaissance.



dimanche
6 novillos de baltasar
6 on espère, mages noirs
la myrrhe de la caste
à épandre
sous la lance et la serge.




nb : l'affiche est signée pascale ballié. la photo prise à l'intérieur des arènes de saint-perdon est tirée du blog photaurines.

mercredi 26 août 2009

Route ( archipiels 26 )



la route.

la glace
et puis la mer
idoine au sentiment
de ne l’avoir jamais vue.

c’est un rouleau de blé transpercé de poussière.
la castille des chevreaux.

je sens qu’elle me serre contre son visage
je sens ses rides jusque sur le bas-ventre.

ludovic pautier / carretera santander-madrid / août 2009



nb: photo d'anonyme et peinture de yolanda pantisio.

mardi 25 août 2009

El sargo ( archipiel 25 )


Santander.

le corps d’une harpe de sable
traversée

la bouche
plus petite que la langue

l’eau
fille des fumerolles

un œil.



sous les dents libres les murmures se lavent à l’huile d’olive. j’enterre deux daurades les ouies léchées comme des os. un besugo et un sargo plus sauvage.

au marché, celui de mexico de cuatro caminos, à un jet de coquillage les corrales de l’arène sont vidés. il y a un peu de blanc sur mon café. on pense l’odeur de la dernière bête équarrie derrière le soleil fondue dans le beurre des jours qui se ferment.

pour aller à pedreña le bateau crache son sel en écharpe sur les nouvelles du poids de la maison du monde.
leurs titres sont laids. ils le sont jusqu’au soir au moment de les noyer dans un vermouth
sur la tranche du lit défait sans avoir fait l’amour.

ludovic pautier / juiller-août 2009 /santander



nb : thank you to bronco de me rappeler que je dois avouer que je ne suis pas l'auteur de ces belles ( la première est époustouflante )photographies.
les crédits sont donc à mettre au compteur de jose miguel martinez, de carlos j. valcuende et de jorge punto ruiz.

vendredi 21 août 2009

On aère ( con jorge-luis, que hay peores )


un peu la flemme.
la trainasse.
l'envie du rien utile.
la poussière on dirait une houppelande cosmique sur la nuit du bar. je souffle sur la constellation du temps à perdre
.
.
.
venga, jorge. dale algo a mis primos.

Le Sud

« Du fond d’un de tes patios avoir regardé
les antiques étoiles,
d’un banc de l’ombre avoir regardé
ces lumières éparses
que mon ignorance n’a pas appris à nommer
ni à ordonner en constellations,
avoir senti le cercle d’eau
dans la secrète citerne,
l’odeur du jasmin et du chèvrefeuille,
le silence de l’oiseau endormi,
la voûte du vestibule, l’humidité
- ces choses, peut-être, sont le poème. »

Jorge Luis Borges, Éloge de l’ombre [1967-1969], in L’Or des tigres, Gallimard Poésie