dans cette troisième partie on voit se dessiner plus nettement les caractères des protagonistes les plus jeunes, alter-égo de tao ruspoli parce qu’ils sont de la même génération mais avec des origines sociales diablement opposées.
cette proximité et ce décalage ne créent pas d’incompréhension mais de l’empathie. du coup,le cinéaste enchaîne les questions de béotiens avec un véritable à propos.
l’idée de la voiture comme espace scénique est le parfait symbole des relations que ces gitans de séville essaient d’extirper d'une modernité à laquelle ils ne peuvent se soustraire, mais à laquelle par ailleurs ils ne veulent surtout pas se soumettre.
alors ils chantent sur les toits malgré les admonestations des grincheux - des « malajes » - et ils vont au contact du grand respect des anciens.
paco valdepeñas est beau comme un clochard céleste.
il décline une identité forte mais sans forfanterie puisqu’on ne lui a pas appris à en avoir.
il chante. por bulerias pa’escuchar.
une partie de sa dentition n’est qu’un lointain souvenir, celui des temps beaucoup plus difficiles, aussi durs que le quotidien des vendeurs hongrois du journal de rue « la farola ».
son chant zézèye et ce qui pourrait être comique n’en est que plus tragique. une sorte de gravité du plaisir ( comme dirait - voir le lien - olivier ) sollicitée par des flamencos qui pourraient être ses enfants et le considèrent effectivement comme un pater familias de l' art qui imprègne jusqu’aux facéties d’oiseleur de juan el camas.
et si on s’attarde sur le visage du tocaor qui accompagne, dévorant du regard la silhouette de guingois du vieux cantaor, on est à même de comprendre que c’est d’abord dans les yeux que résonnent le mieux les poèmes les plus profonds, ceux " des moulins" et de "la pierre" de la meule, ceux d'avant la machine et le manufacturé.
cette machinerie c'est ce que réfutent les jeunes pousses qui copilotent la caméra du réalisateur.
ils disent que pour sonner jondo, il faut ne pas hésiter à "tocar sucio" , " dirty ", littéralement : à jouer salement ( on dit , de toute façon , jouer salement bien , non ? ).
car les nourritures flamencas ce sont avant tout les reliques des repas , les fonds de bouteilles tombées de la table de ceux qui n'ont pas eu faim et soif.
miettes, gras, os, peau et noyaux tintent et enrobent les notes des sons les plus noirs.
il faut gratter la boue et récupérer sa sueur, tel un bien aussi précieux que la plus raffinée des essences.
de ce mélange naîtra une effluve.
elle viendra se tapir et haleter derrière les barbelés du chant d'un paco valdepeñas.
écoute...
ahora, a disfrutar.
nb : la reproduction illustrant le post représente paco valdepeñas est l'oeuvre du peintre marvin steel.