mardi 28 octobre 2008

Fourmis ( II )



claude pelletier, le grand, avait écrit :

« toros en verkhojansk  ! faut en avoir de la tripe taurine pour monter une semaine du même nom et la terminer par une novillada en règle...au mois de novembre ! Chapeau ! ».

et le chapeau de claude, qu'il ne portait que sur son coeur, ne se levait pas à tous endroits et à tout moment. Ses enthousiasmes étaient précieux. son humanité prolixe. et son aficion ...dantesque.

là, devant le pari de la peña jeune aficion de saint-sever, il s'était incliné.
Aujourd'hui, et ce depuis maintenant deux ans, sa photo et celle du tio pepe ornent les murs du nouveau local sis à la rue des ursulines. Ce sont eux les lares de l'endroit.

La paix de leurs sourires, qu'ils affichent fixés à jamais sur l'argentique, apaisent les joutes oratoires qui souvent s'étirent dans des nuits de tertulia de comptoir homériques. auparavant ils ont accompagné de leur présence puis de leur mémoire les faenas de salon de 4 heures du matin , les palmas et les cantecillos des fonds de verres, les « viva paula » de toute la vie, les heures d'histoires de campo jusqu'aux aurores gasconnes, les « media veronica » données sous des ole à s'arracher la gorge dans la placita au cachet inimitable de la rue louis sentex, mais aussi les taconeos por sevillanas au milieu du trouble des coeurs, le fumet des papas con chorizos rédemptrices après les maintes libations... parce que s'il faut vivre , autant le faire avec excés.
la monumental des jacobins

Il y a maintenant des portraits supplémentaires accrochés à la pierre apparente, parce que jacques et vincent , et d'autres aussi , les ont rejoints... le souvenir de tous nos aimés disparus est propiatoire là-bas. C'est un endroit où se côtoient sans problème les arcanes de la crypte mémorielle et les allures de la caseta de feria. Le respect et la folie sans brides mélangés.



Depuis le verkhojansk de 1985 la manifestation a bougé, évolué, douté, grandi, appris, semé. Son étoffe s'est renforcée sans se perdre dans le trop chamarré.
Au milieu du cadre délicieux du cloître des jacobins les spectacles (flamenco, jazz, danse contemporaine cette année ) trouvent leur identité, les conférences atteignent la haute tenue réclamée par un lieu où l'on conserve une partie des beatus, les toiles, les sculptures, les installations emplissent la soute du vaisseau de la grande nef de toute la force des artistes héritiers des pigments de lascaux et le dimanche , au coin de la rue lafayette, à la sortie de la messe en l'abbatiale, les dévots se trouvent nez à nez avec une manade de taureaux lancée sur les traces des meilleurs coureurs d'encierro depuis saint-luc .



Et surtout, en fin d'après-midi de chaque 11 novembre, les torils des arènes de morlanne laissent filtrer cette lumière horizontalement inédite des automnes allant vers l'hiver. Les taureaux qui en sortent ont parfois le pelage qui vire au gris bleu d' une posée de palombes. Les noms et le sang des élevages qui sarclent la silice clament haut et fort la diversité et la recherche de la quête perpétuelle de la caste poivrée voulues par l'esprit des socios depuis le début de l'aventure.

On voit sur les gradins les haleines se condenser et résister quand elles croisent la légère purée du tabac exhalé.
en piste les coups de reins des recortadores font monter la température et les doigts qui palpent la percale restent inhabituellement gourds pendant la prueba de capotes.
morlanne, crayonner les feuilles en rouge, jaune et marron et on y est

Tout cela se sait et s'harmonise dans la tendresse des regards que l'on croise ,des poitrines qu'on serre, des mots qu'on se donne au coin de la table où se partagent les agapes.
Une temporada s'étiole doucement. Les cuadrillas mettent leurs dorures au repos sous une toile blanche et sur les cintres pour quelques mois, certains novilleros ruminent déjà l'herbe supplémentaire du taureau d'un an plus âgé qu'ils auront à affronter dès le printemps prochain. d'autres songent aux peaufinages de leur technique, en rêvant que le père noël déposera un carreton au pied de leur sapin.
le père noël a de ces idées, parfois


les corps se lâchent.
La fête sauvage se grandit.
une dernière fois.
mais avec toute la force d'une renaissance perpétuelle.
Saint-sever, ici, et d'autres villages ailleurs, sont les maillons vitaux de la chaîne de nos aficion.
Claude et jean-pierre darracq l'avaient compris. Ils les célébrèrent en leur temps.
qu'un simple hommage leur soit rendu en faisant de cette nouvelle édition un éclat de réussite à enchasser dans nos mémoires.

voilà, il y a donc déjà 24 ans, les insectes de l'aficon nous couraient encore dans les jambes à l'approche de la courbure des fahrenheit, parce qu'au confins de la chalosse il y avait une poignée de passionés qui prétendait que la saison des taureaux ne devait connaître ni équinoxe et ni solstice.
Franchement, qui se plaindraient de ces fourmis-là ?

-Bueno, ciego, eso de las hormigas...no sé. Pues, cantame algo , un tanguillo de cai para calentar las manos y que se vayan las hormigas.

-No, no...no me viene nada de flamenkito. Pero te diré algo jondo. Aunque no sea de soniquete.escucha :

“Est-ce que quelque chose a changé?
Couchons-nous sur les fourmis rouges
Pour voir si l'amour est resté
Et voir si l'un de nous deux bouge,
Couchés sur les fourmis rouges.”

( michel jonasz / les fourmis rouges / 1981 )
l'affiche de l'année dernière. signée mathieu sodore

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